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Ruralitic 2011, les écarts se creusent

11 septembre 2011

J’ai assisté à Ruralitic à Aurillac durant les derniers jours d’Aout. Merci à Serge Pilicer pour cette manifestation qui chaque année prend un peu plus d’ampleur. La ville d’Aurillac va un jour devoir étendre son centre de congrès pour continuer d’accueillir toujours plus de participants. La France rurale prend de l’importance… On ne s’en plaindra pas !  Serge Pilicer m’avait demandé d’animer une table ronde sur le thème de l’entreprise en milieu rural avec cette question spécifique de déterminer comment le haut débit et le très haut débit peuvent contribuer à la mise en place et à l’animation d’un «écosystème » favorable à la création et à la croissance des entreprises dans les zones peu urbanisées. L’intitulé de la conférence était « Ruralicon Valley »… Tout un programme.

Une table ronde de 10 intervenants… au chevet des entreprises en milieu rural

Une petite remarque sur le nombre de participants à cette table ronde : 10 personnes, c’est bien trop pour tenter de parler sérieusement d’un sujet sans générer des frustrations chez ceux qui sont sur la scène et chez ceux qui écoutent et cherchent à participer. Chacun est là pour délivrer son message, mais 5 minutes pour expliquer le problème, montrer ce que l’on fait, et avoir une vue prospective ne sont pas suffisantes. Les intervenants ont réussi nous expliquer comment fonctionne le CNER, ce que fait le Cluster Auvergne TIC, quel est le dispositif d’aides mises en place par les Préfecture en Auvergne et comment la Commission Européenne compte développer sa politique de cohésion régionale d’ici 2020, comment se déroule l’action de Macéo qui regroupe les chambre de commerce, d’artisanat et les comités de développement des 22 départements qui couvrent le Massif Central, comment Numelink dans la Loire aide les PME à se développer,  comment les Chambres de Commerce s’adaptent aux nouvelles exigences de la création d’entreprises dans un monde en réseaux, comment France Télécom par le biais de sa filiale Nordnet, installe des liaisons satellites dans les territoires ruraux où il n’y a pas de haut débit, quel est enfin le rôle du Réseau Européen des villes numériques à travers les living labs. Tous se sont aimablement pliés à la discipline de dire l’essentiel en 5 minutes… La salle en est restée sans voix… Je vais revenir dans un instant sur le dernier qui nous a présenté une enquête fort instructive sur les Entreprises rurales et l’économie numérique.

Pas le temps de parler… trop de choses à dire… trop de questions

Pas le temps de parler des nombreux effets pervers crées par les aides et subsides de l’Etat qui transforment beaucoup d’entrepreneurs en mendiants patentés, plus occupés à chercher de l’argent auprès d’un nombre toujours plus grand d’organismes, d’agences et d’associations plutôt que de développer et vendre leur produit et leur business et mieux connaitre leurs clients. Le temps perdu à identifier et demander des subsides à l’Etat est un handicap pour le développement d’une start’up, et l’apport financier qu’il procure est souvent un vrai leurre qui n’a rien à voir avec le fameux Red Herring qui sert aux Américains dans leur recherche de capitaux.

Pas le temps de parler des subsides qui poussent les entreprises du secteur numérique à embaucher des ingénieurs et des chercheurs qui vont continuer de développer des produits et des technologies, mais qui ne répondent pas aux besoins immédiats des clients. L’état considère qu’il n’est pas nécessaire d’aider à l’embauche de commerciaux… ni d’aider à la recherche des clients… Il est vrai que les produits et services développés par nos ingénieurs Français sont tellement sophistiqués et d’une telle qualité qu’ils se vendent tout seuls… !! Internet haut débit sera bien sûr là pour les aider, mais il faudra attendre qu’il soit en place dans les territoires ruraux.

Pas le temps donc d’entendre l’Etat nous parler de l’efficacité des aides qu’il distribue, de leur bonne adaptation aux besoins des entreprises plus particulièrement dans les zones rurales, et de la manière dont il les affecte les fonds et en contrôle l’usage… Pas le temps non plus de savoir si ces aides sont plutôt orientées vers la création de valeur et de richesse sur un territoire ou vers l’aide aux personnes qu’on ne veut pas voir partir ailleurs.

Pas le temps non plus de parler de la difficulté que les jeunes entreprises ont à lever des capitaux d’amorçage pour terminer leur produit et trouver leurs premiers clients. Cependant, l’Etat Français, par le biais du Pôle Emploi, est en réalité le premier Business Angel de France qui subventionne beaucoup de jeunes créateurs d’entreprises pendant 2 ans après qu’ils aient quitté leur emploi dans une autre société. L’amorçage des start’up est aujourd’hui quasiment inexistant en France à part quelques business angels plutôt frileux à l’écoute des dernières mesures fiscales. Quel sera le devenir de ce fonds d’amorçage que le grand emprunt, mentionné par le préfet du Cantal? Va-t-il servir vraiment à l’amorçage de projets innovants ou bien faciliter le développement de sociétés qui ont déjà décollé ?  Il semble que la question soit sur le point d’être éludée.

Et puis, pas le temps d’élaborer sur le rôle des infrastructures numériques dans le développement des services pour les entreprises en milieu rural. Quels rôles sur la création d’entreprises et d’activités locales pourrait avoir une infrastructure neutre et ouverte à tous ? Chacun pourrait devenir FAI et  librement développer et offrir sur le net des services locaux ou plus étendus, sans avoir à passer sous les fourches caudines de l’opérateur dominant, préalablement historique, mais aujourd’hui monopole dans les zones rurales.

Last but not least, qu’en est-il de France Télécom qui se trouve en situation de monopole dans les territoires ruraux (il dispose en effet des fourreaux, des répartiteurs, des sous répartiteurs et du cuivre qui va jusque chez l’abonné), c’est-à-dire pour à peu près 20 millions de personnes en France. Sa stratégie, non dite bien sûr, est de renforcer ce monopole, à la demande des élus (qui pour la plupart font allégeance, pieds et poing liés…),  avec la bienveillance de l’ARCEP curieusement silencieuse sur ce point, et d’empêcher par des moyens naturels l’arrivée des concurrents faute de business modèle.

Une étude pour éclairer le paysage

Bruno Moriset est Maître de Conférences à l’Université de Lyon 3. Il présentait une étude réalisée sous l’égide de l’ANR, concernant 6300 entreprises réalisant un produit ou un service livrable à distance qui les rattachent au secteur de l’économie numérique ou créative.  Il a questionné 400 entreprises situées dans environ 35 cantons ruraux des 4 régions Provence Cote d’Azur, Languedoc Roussillon, Rhône Alpes et Auvergne (voir carte).  En préambule de son étude, il constate «  L’économie résidentielle multiplie les emplois peu qualifiés, souvent saisonniers. Dans le même temps, les métropoles concentrent les emplois du tertiaire supérieur. Faute d’emplois qualifiés,  les jeunes qui quittent les territoires ruraux pour faire des études dans une ville universitaire ne peuvent pas « revenir au pays ».  Or, l’émergence d’une économie numérique multiplie  les opportunités d’activités économiques réalisables à distance du donneur d’ordre. » Il indique alors que « la croissance de l’économie de l’information est une chance à saisir pour favoriser la création d’emplois pérennes, limiter la fuite des cerveaux, et aussi faciliter l’insertion de professionnels qui veulent un  cadre de vie différent pour eux-mêmes et leur famille. »  Son étude a donc pour vocation de fournir des éléments qui permettront aux responsables territoriaux et gouvernementaux  de faire un état des lieux et de mettre en place des objectifs et une politique pour y parvenir…, c’est-à-dire le « comment le faire ». Il n’a hélas pas été possible d’aborder ce point durant la table ronde…

De la ferme à l’entreprise rurale à domicile

Le premier constat de cette étude est que l’entreprise en zone rurale à tendance à se rapprocher de l’auto-entrepreneur, c’est-à-dire que la création de valeur et de richesse sur le territoire est le fait d’une seule personne, avec une assez faible démultiplication industrielle dans la mesure où une grande partie de leur clientèle est régionale. Seules 55,7% des entreprises interrogées vendent des produits ou des services au niveau national ou international, contribuant à élargir la base économique du territoire.  L’un des intervenants de la table ronde, disait en aparté que les entreprises en milieu rurale reproduisent un peu la France rurale de nos grand-pères, en multipliant les individualités locales : « de la ferme à l’entreprise à domicile en milieu rural, avec une nouvelle forme d’autarcie». Voit-on ici se dessiner l’arrivée d’une nouvelle France profonde ?

Le haut débit ne les intéresse guère

Bruno Moriset se penche ensuite sur l’impact du haut et très haut débit sur ces entreprises. Il remarque que bon nombre d’entre elles n’utilisent pas Internet de façon très intensive, et surtout de façon moins intensive et moins sophistiquées qu’en ville. Ce gap dans les usages est-il lié à une différence d’activité des entreprises rurales ou à une insuffisance d’infrastructure ?

La question de la qualité et la disponibilité de l’infrastructure n’est pas posée directement, mais dans l’ensemble, les gens sont satisfaits de leur infrastructure. Voila qui satisfera et confortera France Télécom dans sa politique de monopole sur les territoires ruraux. En effet, le 1425, le dégroupage et les RIP (réseaux d’initiatives publiques) ont obligé France Télécom à améliorer les réseaux et offrir des débits suffisants un peu partout sur le pays. Ce sont ces débits qui ont mis la France en tête du peloton des nations les « mieux équipées ». N’oublions pas que AT&T offre 1.5 Mbps au milieu de la Silicon Valley pour 1.5 fois le prix de l’abonnement de Free… Mais lorsqu’on parle de très haut débit, c’est-à-dire d’une infrastructure fibre qui permettra non seulement le très haut débit fixe en milieu rural et le très haut débit mobile sur les zones peu habitées, les entreprises semblent moins intéressées.

Personne ne veut payer plus cher pour l’accès fibre

Ainsi personne ne veut payer plus cher un accès fibre. On peut remercier Free qui a lancé le mouvement de la migration de l’ADSL vers la fibre au même prix d’abonnement, même si des suppléments viennent maintenant se greffer. France Télécom utilise astucieusement cet argument d’une faible appétence de la fibre pour en retarder l’installation dans les territoires ruraux et offre des politiques alternatives de « montée en débit » qui renforcent son monopole  et sont coûteuses pour les collectivités territoriales (le satellite est aussi lourdement subventionné par les collectivités). La monté en débit, par son coût, a pour effet principal de geler pour une bonne vingtaine d’année la mise en place d’une réelle  infrastructure fibre sur ces territoires. Elle renforce aussi la main mise de France Télécom sur les territoires ruraux et finance en partie l’opérateur historique sur de l’argent public pour la mise à niveau de son réseau.

Risque d’une nouvelle fracture numérique

Bruno Moriset dans les premières conclusions qu’il formule dans son étude précise :  « il est remarquable que les entreprises interrogées ne perçoivent pas comme prioritaire ou stratégique la question des réseaux  de télécommunications, et ne sont pas disposées à augmenter significativement leur budget télécommunications pour disposer du très haut débit (THD) sur fibre optique. La diffusion massive de l’ADSL a porté ses fruits. Mais la question reste posée du risque de l’émergence d’une nouvelle fracture numérique. Tant que les taux d’usage de la fibre restent faibles dans les grandes villes (19 abonnés à Lyon sur 300 entreprises interrogées), il n’y a pas péril en la demeure. Mais la  situation dans les grandes villes pourrait évoluer rapidement, les territoires ruraux restant à l’écart. »

Certains, dont Jean-Pierre Jambes bien connu dans la région de Pau, voient le développement des services comme un moteur qui conduira à la mise en œuvre d’une infrastructure. Mais comment faire  parce que les services doivent être mis en œuvre essentiellement par l’opérateur qui contrôle le réseau. En effet, la mise en place d’infrastructures neutres et ouvertes à tout fournisseur de service par les réseaux d’initiatives publiques se heurte fréquemment à une forte réticence des opérateurs de les utiliser. Ceux-ci préfèrent construire et utiliser leur propre réseau en parallèle plutôt que d’utiliser le réseau de fibre mis en place par la collectivité. Les exemples sont nombreux et variés, de la Manche aux Hautes Pyrénées, en passant par les Hauts de Seine, où France Télécom joue avec les déclarations d’intention de couverture pour saccager les RIP.

Mais restons optimistes puisque notre ministre nous a assuré que 100% des Français  ont déjà accès au haut débit et que la France serait fibrée en 2025 à 100% grâce aux plans France Numérique 2012 et 2020. Pourquoi s’inquiéter?

Lire l’étude de Bruno Moriset

La grogne monte dans la fibre… merci France Télécom…

7 avril 2011

Le colloque de l’Avicca réunis deux fois par ans les acteurs de l’aménagement numérique du territoire. Cette association de collectivités locales impliquées dans les projets TIC rassemble à cette occasion un ensemble d’intervenants sur les sujets chauds du moment. Réuni le 5 avril ce colloque peut être considéré comme un coup de projecteur sur la France profonde numérique, loin des bureaucrates et des quartiers généraux parisiens des administrations, des opérateurs et des constructeurs. C’est la France profonde des nouveaux usages, celle des aménageurs publics qui sont passés des ronds points, des lampadaires et des voies routières aux autoroutes de l’information.

France Télécom bloque les déploiements des collectivités

Cette année, comme les années passées, le sujet chaud est le très haut débit en France. Quelles infrastructures pour ces autoroutes de l’information, fixe ou mobile ? Comment les mettre en place, dans quel cadre juridique et réglementaire, comment les payer, comment les maintenir, comment et avec qui les exploiter?  Ceci commence à devenir inquiétant parce que d’une année sur l’autre, le sujet n’a pas bougé, et semble-t-il, la situation s’est même aggravée dans le déploiement du très haut débit en France, malgré une intense activité du coté des collectivités locales.

Dans les allées de la conférence, l’ambiance était plutôt aigre douce. En effet, après une année 2010 passée à attendre la mise en place du grand emprunt dont une partie est destinée à épauler les collectivités locales dans leurs efforts d’investissement, mais dont on ne sait toujours pas comment il sera abondé, à attendre un certain nombre de décisions réglementaires sur le fibrage vertical des immeubles, à préparer des plans et schémas directeurs régionaux ou départementaux, à se positionner sur les volets A, B, C des aides du Fond de solidarité numérique, à expérimenter pour accélérer le dialogue entre les collectivités et lez opérateurs nationaux,  un raz le bol général semble avoir été atteint avec l’AMII, entendez « l’appel à manifestation d’intention d’investissement… »

Des AMII pas très amicaux

L’appel à manifestation d’intention annoncé par France Télécom en février dernier à littéralement jeté le trouble dans les collectivités locales qui travaillent depuis maintenant plusieurs mois pour tenter de planifier sérieusement l’arrivée du FTTH sur leur territoire. Alors que beaucoup d’éléments sur l’éligibilité ou non éligibilité au FNS commencent à se préciser, plusieurs éléments semblent plutôt surprenants et contestables. En effet, un équipement actif comme une station de base WiMax n’est pas éligible, mais un pylône alimenté par une collecte ROIP l’est… On retrouve ici un certain ostracisme du régulateur et des pouvoirs publics vis-à-vis des technologies sans fil, plus particulièrement dans les zones peu denses.

Il semble en effet, selon l’un des participants au colloque de l’Avicca, que l’on «  favorise la montée en débit au grand bénéfice de France Télécom plutôt que de développer des solutions plus souples, moins coûteuses et immédiates comme les solutions sans fil. Ne parlons pas du satellite qui est une idiotie coûteuse qui a été vendue aux députés et au ministre par un lobbying bien organisé.. Mais c’est les collectivités qui paient au final… »   Pour ce responsable d’un territoire de plus de 200000 foyers,  « Il semble que tout le système ait été fait pour favoriser France Telecom. En effet, il devient l’aménageur du territoire au frais des collectivités et des contribuables.

Non seulement tout pousse à la montée en débit dans les territoires difficiles,  mais  avec l’AMII que FT a publié en février dernier, il prend le pouvoir chez nous et devient l’aménageur.  Il peut, dans un délai de 2 mois après que nous ayons déposé un dossier pour une zone, soumettre le projet au volet A, c’est-à-dire faire passer cette zone en volet A et bénéficier des prêts bonifiés au titre des investissements privés. L’initiative publique perd donc automatiquement le soutien du FNS. On sait ce que sont les manifestations d’intentions de France Télécom… Il  ment aux régions depuis des années, ça n’est pas aujourd’hui qu’il va arrêter… »

Les intentions de France Télécom

Beaucoup de responsables assistants au colloque de l’Avicca tenaient des propos similaires, reflétant un certain agacement  quant à l’attitude de France Télécom sur leurs territoires. En effet l’AMII dévoilé en février dernier par France Télécom n’a rien d’un engagement ferme. Il porte sur 3600 communes, c’est-à-dire 15 millions de foyers, et couvre environ 240 agglomérations et toutes les communes de plus de 7000 habitants. Ceci représente à peu près tous les territoires profitables pour l’opérateur, les autres sont donc laissés pour compte.

Aucune vérification des engagements d’achèvement de ces intentions n’est prévu avant 2015, et l’opérateur peut s’arrêter à 90% de couverture, ce qui fait que certaines communes se retrouveront avec des zones blanches … Le discours de France Télécom est là-dessus pas clair du tout et aucun document complet sur ses intentions ne peut être trouvé sur le site de l’opérateur . Les autres opérateurs s’agitent pour ne pas laisser France Télécom occuper le terrain du volet A tout seul… En d’autres termes, « c’est la conquête de l’ouest ajoute l’un des participants au colloque. Les règles sont définies par ceux qui  fournissent les armes, mais celles-ci se retrouvent toujours dans les mêmes mains. Tout est assez obscur, on ne sait pas exactement de quoi on parle, on ne sait pas comment vont se dérouler les procédures, quels seront les niveaux d’exigences car personne n’utilise le même vocabulaire, on ne sait pas non plus si les fonds annoncés seront là… ».

Tout comme AT&T dépense 39 milliards de dollars pour racheter 10 points de part de marché et renforcer sa position de monopole aux Etats Unis plutôt que de mettre ces 39 milliards dans l’amélioration de son réseau en piètre état, France Télécom utilise le système pour faire payer les collectivités (les contribuables) à améliorer son réseau de cuivre (avec la montée en débit), de façon à renforcer sa présence et repousser les déploiements alternatifs (prives ou par les collectivités) qui pourraient le mettre en difficulté localement immédiatement ou à terme. Une analyse précise de l’AMII de France Télécom, pour peu qu’il soit publié, pourrait donner des indications sur cette stratégie de verrouillage dynamique pour la reconquête de son monopole.

Le résultat aujourd’hui est qu’en France, on fanfaronne avec plus d’un million d’appartements éligibles à la fibre… Mais il y a à peine 100000 abonnés. Qui se pose la question de savoir pourquoi ?

Reseau THD mutualisé: impliquer tous les acteurs de l’Internet

18 mars 2011

Gabrielle Gauthey, lors du MWC 2011 de Barcelone mentionnait bien le problème latent d’Internet. Les opérateurs investissent avec de plus en plus de réticence dans les réseaux sachant que leurs marges ne sont plus ce qu’elles furent lorsqu’ils facturaient la voix à la minute. Les opérateurs de contenus (dits Over The Top) facilitent la création de contenus qui circulent librement sur les réseaux fixes ou mobiles qu’ils saturent allègrement, mais ils n’investissent pas dans ces réseaux alors qu’ils dégagent des revenus et des marges redoutables.

D’un côté donc,  les opérateurs téléphoniques sont fortement endettés même si ils dégagent encore de substantiels bénéfices, de l’autre, les over the top qui dégagent aussi de larges bénéfices et disposent en plus de réserves de cash considérables. Google dors sur 30 milliards de cash, Apple à 60 milliards, Microsoft  40 milliards,  Amazon  8 milliards, Facebook, Groupon, Foursquare sont aussi des machines à cash qui jouent un rôle non négligeable sur les réseaux fixes et mobiles. Ce sont, avec des milliers d’autres entreprises, les principaux acteurs d’Internet, mais leurs investissements dans les réseaux sont quasi inexistants.  Le résultat de la situation est que plus personne ne veut investir dans les réseaux, et que les infrastructures fixes et mobiles de circulation de l’information sont en train de devenir le goulot d’étranglement du futur. Développez les services, les infrastructures viendrons disent les politiques… !  La preuve que non…

La mutualisation des réseaux…

Ne faudrait-il pas prendre le problème dans un autre sens avant que de mauvais plans ne commencent à germer dans la tête des opérateurs (on sait très bien qu’ils en sont capables). Ainsi, telle qu’elle a été amenée, l’idée récente de mettre en place un réseau mutualisé et ouvert entre tous les opérateurs après une éventuelle séparation des infrastructures de France Télécom semble la bonne solution. Mais dans l’état actuel des choses, il est clair que les opérateurs en assureraient le contrôle mutuellement… sous l’œil bienveillant des gouvernements ou des régulateurs. Déjà, des conversations entre opérateurs semblent avoir lieu…

On ne peut pas faire confiance aux opérateurs qui depuis longtemps s’entendent entre eux (ils se sont fait prendre plusieurs fois) et qui fondamentalement n’aiment pas le net parce qu’ils ne peuvent pas le contrôler. On imagine tout de suite que la neutralité du Net, déjà bien menacée, prendrait rapidement une nouvelle tournure (du moins en Europe) compte tenu de l’énorme pouvoir de lobbying dont ils disposent dans chaque pays et au sein de la commission européenne et aussi des nombreux chantages qu’ils peuvent exercer. Le net serait rapidement muselé et le racket soigneusement organisé à travers une ouverture à la mode opérateur. La créativité du Net serait complètement annihilée.

…Une bonne idée qui pourrait devenir une catastrophe

Ainsi, susciter une séparation structurelle entre le réseau et l’accès comme on l’a fait avec la SNCF, avec un réseau géré et manipulé par les seuls opérateurs téléphoniques risque de crée un nouvel oligopole d’état… qui sera coûteux, incontrôlable et néfaste. Mais Internet serait enfin sous contrôle, certainement pas pour le meilleur.  C’est pourquoi, dans le cas de la création d’un réseau « Fibre France » dont on parle depuis quelques temps, il serait important d’ouvrir celui-ci aux opérateurs over the top, aux opérateurs de contenus, aux acteurs d’internet… en leur donnant la capacité d’y investir, puisqu’ils ont des business modèles qui leur permettent de le faire, avec un droit important au chapitre pour contrebalancer le poids des opérateurs et imposer leurs vues, plus proche de celles des usagers.

Les opérateurs téléphoniques pourraient ainsi faire du contenu et les opérateurs de contenus pourraient faire évoluer les réseaux à la mesure de leurs ambitions et de leurs initiatives en matière d’usages. Plutôt que de consolider en réduisant le nombre des intervenants sur le marché, la consolidation pourrait intervenir en élargissant la concurrence autour d’un réseau réellement ouvert à tous, véritablement mutualisé et géré comme tel.  Une solution bureaucratique (pour ne pas dire corporatiste) à la française laisserait la porte ouverte à pas mal de dérives bien connues chez nous et ne préserverait pas une bonne évolution du Net, les innovations issues de la base seraient encore plus muselées…

Pas de taxation aux effets douteux

Plutôt que de tenter de taxer les over the top pour ensuite financer des réseaux des opérateurs selon des mécanismes compliqués et douteux qui de toute façon retombent sur l’utilisateur, laissons les vrais acteurs d’Internet s’impliquer directement dans ce réseau mutualisé dont on parle et laissons les bâtir un véritable modèle de gouvernance mutuelle. Les collectivités locales auront aussi leur mot a dire, pleinement et entièrement  impliquées dans le processus de construction et de gestion du réseau, et non pas assis sur un petit strapontin inconfortable, toujours prêt à se replier sous elles, comme c’est la cas aujourd’hui. Mais une première exigence serait une cartographie exacte des réseaux existants et de leur état… On en est encore bien loin…

Pourquoi la fibre n’intéresse pas les français ?

9 mars 2011

Décidément, le bon sens n’est pas toujours là où l’on croit….

Marine Le Pen arrive en tête des sondages, poussée par des gens dont on n’imaginait guère qu’il puissent s’y intéresser, et les récents chiffres de l’ARCEP sur la mise en œuvre de la fibre à la maison en France montre qu’on est loin des objectifs prévus. Alors qu’on (pardon, le plan Besson) prévoyait 4 millions de prises en 2012, on apprend qu’au début 2011, on vient juste de passer le million de foyers connectables. Au train ou ça va, on aura tout juste 4 millions de prises fibres dans les foyers en 2015… ! Elle est encore loin la France du très haut débit..  Mais ce qui est plus incompréhensible, c’est que ce million de prises installées n’intéresse personne puisqu’il y a à peine 115000 abonnés, c’est-à-dire des gens qui utilisent réellement cette fibre…Un gros 10% d’abonnés… Comme disait ma grand-mère, on marche sur la tête…

Un taux d’abonnés de 10%…

Normalement, mon immeuble devrait être fibrable puisque j’habite à Paris et que le sous sol de Paris est truffé de fibre…Mais je n’ai rien vu venir, car l’ai raté la dernière assemblée générale du Syndic et apparemment personne n’avait mis la fibre à l’ordre du jour…J’ai fait la remarque au syndic, mais il s’en fiche parce que ce sont des travaux dont il doit assurer le bon déroulement mais qui ne lui rapportent rien, puisqu’à priori ils sont gratuits et que les prestations du syndic sont basées sur les factures des travaux réalisés… Des accords secrets avec certains opérateurs… ? Allons nous ne sommes pas une république bannanière… ! (au moins pas encore…) et nos opérateurs n’ont pas cette « capacité d’adaptation » dont ils font preuve dans des territoires éloignés.

La fibre n’est pas une priorité pour les syndics

J’ai donc fait un peu de lobbying dans l’immeuble, tout le monde semble d’accord, vu le nombre de réseaux WiFi qui apparait sur le panneau des réseaux sans fil de mon ordinateur. En tous cas, on utilise internet dans l’immeuble. Il faudra donc attendre la prochaine réunion de copropriété… Mais avant cela, il faudra se prononcer sur l’opérateur d’immeuble. Voila encore une discussion qui promet car le syndic, qui joue souvent le rôle de conseiller technique sur la plupart des décisions à prendre dans un immeuble, va vouloir y mettre son grain…Et il est très facile de semer le doute chez la grand-mère du 6ème qui de toute façon s’en fiche, ou le papy du 1er qui a le câble depuis des siècles. Il s’en dit très content et ne comprend pas pourquoi il faut mettre de la fibre, alors que Numéricable lui a proposé un abonnement très haut débit sans aucun travaux supplémentaires, et que plusieurs appartements de l’immeuble sont déjà câblés, dont le couple du 2ème dont les gamins jouent tous les soirs avec la Wii justement sur du « très » haut débit (il est monté plusieurs fois pour leur dire de faire moins de bruit). Cette histoire de 2 fibres ou 4 fibres dans l’immeuble, c’est quoi ?… « faisons de la sorte que ça fasse le moins de travaux possible, avec 4 fibres, ca fera encore un gros câble qui va encore tout enlaidir… Free ne peut rien faire comme tout le monde…  »

La fibre, à peine mieux que l’ADSL..!

Beaucoup de gens m’ont posé la question de savoir quels seraient les avantages de la fibre. « Est-ce que ça sera plus cher… ?… Oui chez France Télécom… Ah bon ? Mais Free le met au même prix que l’ADSL…. Bon j’aime pas bien Free, c’est des geeks…. Alors quel sera l’avantage ? Bon, c’est que tu pourras uploader beaucoup plus rapidement ?….Bof, moi je télécharge plutôt, je mets quelques photos, mais pas de vidéo… ! » Chez France Télécom, allez leur poser la question… La plupart du temps, l’argument avancé est : « Oh oui, la fibre c’est bien, mais ça ne vous apportera pas beaucoup plus que l’ADSL… vous savez en France, on a le meilleur ADSL en Europe… ça marche très bien »…

Et Billaut continue  de ramer

Enfin, très peu de promotion de la fibre chez les opérateurs. Trouver une offre de fibre chez un opérateur, c’est chercher une aiguille dans une botte de foin. Il y a plein de choses, mais pas ce que vous cherchez vraiment. Et puis notre cher gouvernement a un plan fibre.. mais on n’en entend pas beaucoup parler…et le père Billaut continue de râler en essayant de monter sa coopérative pour mettre le très haut débit dans les villages, parce que dans les campagnes, on a aussi besoin du très haut débit… L’ex opérateur national fait donc ce qu’il veut et continue de trainer la patte quand il veut car il est en position dominante dans les zones rurales et dans beaucoup de zones peu denses où il continue d’installer sa propre fibre, sans le faire trop savoir, et s’opposer insidieusement aux réseaux d’initiative publics.

On perd la guerre après avoir gagné une bataille

Et pourquoi donc finalement l’ARCEP reparle-t-il de la séparation fonctionnelle pour France Télécom? Mais elle pourrait être géographique maintenant…En bref, après avoir fait un effort considérable pour brillamment se mettre au haut débit, on pense que le très haut débit est déjà gagné… mais on est tout simplement en train de perdre la guerre après avoir gagné une bataille.

FTTH fin: Quels financements…

3 octobre 2010

Lors de la réunion du Graco qui s’est tenue il y a quelques jours sous l’égide de l’ARCEP, (voir les deux derniers posts) ont été abordés les différents aspects de la mise en place du très haut débit en France.

Cette réunion assez riche a permis de faire le tour des dispositions réglementaires mises oeuvre pour assurer les investissements des opérateurs dans un bon respect des lois de la concurrence entre les grands opérateurs et les collectivités locales. La problématique de la couverture complète du territoire et l’éventualité de voir se développer une nouvelle fracture numérique ont été assez rapidement évoqués, mais  n’ont cependant pas permis d’avoir une vue approfondie des mises en oeuvre sur le territoire Français. Un compte rendu plus exhaustif et détaillé de la mise en oeuvre du très haut débit sur le territoire Français sera certainement au centre des débats lors de la prochaine  réunion TRIP 2010 de l’AVICCA qui doit se tenir les 18 et 19 octobre prochain.

La Fibre, moins chère que prévu.

Tout d’abord, on apprend que le très haut débit ne coutera pas aussi cher que prévu. 25 milliards d’Euros au lieu des 40 milliards d’Euros annoncés… pour le financement d’une infrastructure de télécommunication digne du 21ème siècle. Nous sommes loin des coûts de financement des infrastructures routières ou ferroviaires.  Les économies d’échelle, les baisses de coût importantes liées au progrès de la technologie, l’ouverture des fourreaux de France Télécom aux autres opérateurs, la mutualisation du génie civil sont autant de mesures qui contribueront à faire baisser la note.

Le financement des infrastructures était abordé en 2 étapes….

-Le grand emprunt et son impact sur  le financement du très haut débit…

Une description assez détaillé du dispositif du grand emprunt et de son impact sur les TIC. Les opérateurs y trouveront leur compte puisqu’ils pourront bénéficier d’aides diverses lorsqu’ils investiront dans des zones dites « moins denses » . On regrettera que le sort des petits opérateurs alternatifs n’ait absolument pas été discuté dans ce chapitre.  Les collectivités locales pourront aussi bénéficier de la manne du grand emprunt…. Tous devront publier des schémas directeurs permettant une meilleure coordination entre les actions du secteur privée et l’action publique…

Benoit Loutrel, Directeur du programme « Economie Numérique » du Commissariat Général à l’Investissement explique le dispositif.

-Comment financer le volet TIC des investissements du grand emprunt?

La deuxième étape, et non la moindre, porte sur la manière de financer ce grand emprunt, sachant que, selon la l’expression de Hervé Maurey, « le grand emprunt est un fond sans fond… »… Il faut donc trouver des moyens de l’alimenter… Le recours à de nouvelles taxes semble inéluctable, l’Internaute se transformant progressivement en nouvelle vache à lait que l’on pressure de toutes parts.

Le Sénateur de l’Eure Hervé Maurey,  chargé d’un rapport auprès du Premier Ministre sur le financement de l’économie numérique, livre en en avant premières les réflexions de fond qui l’ont conduites dans l’élaboration de son rapport qui doit être bientôt remis au Premier Ministre.