Les Bell Labs sont les laboratoires de R&D de Alcatel Lucent. Comme le CNET de France Télécom ou les laboratoires de NTT au Japon, les Bell Labs ont été, jusqu’à la fin des années 90, un haut lieu de la recherche et développement en matière de télécommunication dans le monde. Leurs recherches ont principalement permis d’inventer la téléphonie et de développer les réseaux et l’usage du téléphone dans le monde. Ils ont entre autres à leur actif l’invention du transistor, du système d’exploitation Unix et du langage C. Depuis l’ouverture des télécommunications, l’arrivée d’Internet et la convergence des réseaux vers le tout IP, ces Labs ont du s’ouvrir et sont entrés en concurrence avec les laboratoires de recherche des entreprises du monde entier qui développant des technologies ouvertes pour Internet. Acquits par Alcatel lors de la fusion avec Lucent, les Bell Labs ont maintenant une assise Française que les responsables cherchent à enrichir et à développer.
Cinq grands thèmes pour des projets et une réflexion menée chez Orange Labs
Alcatel-Lucent, une fois par an ouvre son site de Villarceaux aux visiteurs pour dévoiler un certain nombre de projets innovants développés par ses ingénieurs, en relation directe avec les besoins immédiats de la compagnie ou plus éloignée. Cette fois-ci, une quarantaine de projets assez techniques étaient regroupés autour de 5 thèmes majeurs : « changer le monde » « réseaux de haute capacité » « plus de virtualisation et de connectivité sur les réseaux » « quoi après Twitter et Facebook ? » « jouer avec les Bell Labs ». En parallèle, quelques speakers étaient invités a présenter leurs vues sur l’innovation et la technologie. Valerie Peugeot, directrice du laboratoire de sciences humaines chez Orange Labs, faisait une présentation incitant à la réflexion sur les rapports entre les hommes et la technologie, et notamment sur le basculement provoqué par la généralisation des réseaux de communication ouverts et par l’intrusion profonde de la technologie dans toutes les activités humaines. J’ai enregistré cette présentation d’une demi-heure que je compte mettre sur ce blog très vite.
Une première mondiale, 200Gb/s sur 2400 km de fibre
C’est dans une pièce parcourue de réseaux de fibre jaune, d’appareils de mesure, de racks et de baie optiques qu’une petite équipe d’ingénieurs cherche à améliorer les capacités de transport des fibres optiques. Oriol Bartran Pardo, jeune ingénieur membre de cette équipe m’explique que les réseaux de fibre optique dans le monde sont de 2 types, les réseaux sous marin et les réseaux terrestres. Là où le transport des données sur les réseaux terrestres peut être réactivé par des relais, les réseaux sous marins doivent assurer le transport sans réactivation sur de très longues distances. On transmet les données sur la fibre en utilisant « une longueur d’onde » qui aujourd’hui peut facilement délivrer 100 Gigabits par seconde sur plusieurs milliers de kilomètres sans rafraichissement. Une fibre de bonne qualité peut recevoir jusqu’à 80 longueurs d’onde qui chacune transmettent des données de façon indépendante.
Vers les 400 Gigabits par seconde, soit 32 terabits/s pour une seule fibre
Cela signifie que chez l’utilisateur, l’installation d’une seule fibre optique lui donne techniquement la possibilité de recevoir jusqu’à 8 terabits de données par seconde…c’est à dire l’équivalent de 200 milliards de films à la seconde… (à condition que les opérateurs s’équipent de routeurs et de relais capables de supporter ce trafic et qu’un terminal soit capable de les stocker) Oriol Bertran-Pardo indique que son équipe a trouvé le moyen de faire passer jusqu’à 200 gigabits par seconde sur une longueur d’onde et a vérifié que les données pouvaient être récupérées sans pertes irrémédiables jusqu’à 2400 km de distance, sans rafraichissement. « C’est une première mondiale, me dit-il, et on ne l’a pas encore publiée »… On peut donc maintenant passer 16 terabits de données par seconde sur un seul brin de fibre sous marine, sur une longueur de 2400 km d’un seul tenant, sans répeteur… Il m’indiquait que les recherches du laboratoire permettaient d’envisager de passer 400 Gibagits par seconde sur une longueur d’onde, soit 32 terabits par seconde sur une seule fibre…
Traduction automatique en temps réel sur la ligne
Wetalk est un projet de recherche sur lequel Tony Guez travaille depuis plusieurs mois. L’objectif est de permettre une traduction automatique et en temps réel d’une conversation téléphonique de façon à ce que deux personnes qui ne parlent pas la même langue puisse se parler par téléphone, comme si chacun parlait la langue de l’autre. L’application qui fonctionne sur un serveur et nécessite une application client fonctionne avec des terminaux du commerce et le réseau téléphonique normal. Inutile d’avoir un micro haute fidélité et il pourrait fonctionner sur Skype par exemple. L’application fonctionne dans deux sens, elle réalise une traduction instantanée de la conversation de l’appelant et l’écrit en texte (speech to text) sur l’écran du terminal de chacun des interlocuteurs. Parallèlement, une traduction en synthèse vocale de ce que dit l’appelant est réalisée et transmise dans la langue de l’appelé qui peut donc écouter ce que lui dit son correspondant et en même le lire sur l’écran, dans sa langue. Le retour s’effectue selon le même processus de la langue de l’appelé vers la langue de l’appelant… Le système, encore en développement, nécessite un rapide apprentissage du système lui permettant de s’adapter à l’élocution de l’appelant et de l’appelé. Il fonctionne avec des phrases courtes et demandes certaines précautions lorsque l’un ou l’autre des interlocuteurs parle… Il y a parfois quelques ratés (l’effet demo…!) mais ça marche plutôt bien… Karine Calvet, Vice Président des ventes France chez Alcatel-Lucent précise que les téléphones Androids sont particulièrement bien adaptés à ce système, mais que d’une façon générale, tous les smartphones, les tablettes et les PC pourront l’utiliser à terme.
Les smartphones encore plus smart
Dimitre Davidov Kostadinov, ingénieur aux Bell Labs, a développé l’application AppsLikeU pour les smartphones qui permet à l’utilisateur d’accéder facilement aux applications dont il a besoins, en fonction de l’endroit où il se trouve ou d’une situation particulière. L’utilisateur peut ainsi organiser et préparer son smartphone en fonction de sa journée, en sélectionnant les applications dont il aura besoin. Par exemple, il doit aller à Bruxelles ou à Berlin le lendemain, il va donc définir sur son smartphone une zone géolocalisée à Bruxelles et à Berlin et pré-sélectionner les applications dont il aura besoin pour chercher un hôtel, voyager par le métro, chercher un taxi, trouver un restaurant dans une certaine zone de la ville, une boutique, une ressource, etc… Une fois à Bruxelles, ou à Berlin, il pourra accéder simplement aux applications associées à cette zone sans avoir à les rechercher dans une bibliothèque de milliers d’applications. Il aura donc très facilement accès à la bonne application, au bon moment, correspondant à la zone où il se trouve. Etant Géolocalisée, le système pourra aussi lui pousser certaines applications liées au contexte dans lequel il se trouve. Cette possibilité peut être contrôlée entièrement pas l’utilisateur qui peut l’arrêter. L’équipe a travaillé avec des designers pour dessiner des interfaces très simple et spontanées d’utilisation. Cette application permet ainsi à l’utilisateur de distinguer les applications qu’il utilise quotidiennement, quelque soit l’endroit où il se trouve, des applications qu’il utilisera occasionellement en fonction de ses déplacements ou d’évènements spécifiques particuliers.
Partagez les vidéos dans l’entreprise
Tivizio est une infrastructure de réseau social d’entreprise qui permet de poster et de partager des vidéos au sein de l’entreprise, pour un groupe défini de personne. Conçue par 2 ingénieurs des Bell Labs, Fabrice Poussière et Erwan Baynaud, cette application est hébergée dans le cloud sur des serveurs Amazon. Elle permet de créer un réseau social à l’intérieur de l’entreprise pour poster des échanger des vidéo et les échanger au sein d’un groupe particulier plus ou moins étendu. Chaque employé peut donc partager avec les gens qu’il souhaite dans l’entreprise les vidéos qu’il a posté. On peut ainsi envisager que des techniciens de maintenance sur le terrain postent des vidéo d’appareils ou de systèmes à maintenir qui puissent être partagées en temps réel avec les services techniques de l’entreprise. Un vendeur peut mettre sur ce réseau des vidéos spécifiques qu’il souhaite partager avec ses prospects. Il est aussi possible aux personnels de l’entreprise de créer et partager des vidéos qui pourront être utilisées dans la formation de partenaires ou de clients. Le service de communication peut mettre toutes les vidéos accessibles et utilisables par la presse. Les usages sont nombreux et quasiment illimités mais restent entièrement adaptés aux besoins et aux exigences de l’entreprise. Il est aussi possible de développer des outils autour de cette application aussi bien pour éditer les vidéos que pour offrir d’autres outils de collaboration et de communication. Tivizio fonctionne déjà en beta test sur 2 sites pilotes.
Fini le roaming qui tue
Yann Mac Garry était entouré ce matin d’un petit groupe de responsables informatiques dont l’un mentionnait s’être fait sérieusement houspillé par ses services financiers à cause d’une note de roaming assez astronomique de son smartphone lors d’un récent voyage chez un fournisseur au Sénégal… Ingénieur aux Bell Labs à Lanion, un fief de France Télécom, Yann Mac Garry a développé une application appelée Always Home qui comme son nom l’indique, permet à un utilisateur d’aller à l’étranger mais permettant à son téléphone de rester virtuellement en France, sans avoir à repasser par l’opérateur qui héberge le MVNO. Le roaming résulte pour les opérateurs en place à doubler, tripler ou plus même, le coût des communications en dehors du territoire d’origine de l’utilisateur. « Voila qui ne fera pas trop plaisir à France Télécom dit l’un d’entre eux… » « Cette solution s’adresse essentiellement aux MVNO répond-il, car elle leur permet de créer des solutions de roaming économiques et concurrentielles. » Composée d’une carte SIM spécifique et d’une application qui reste sur le HLR (base de données des abonnés du réseau) du MVNO Always Home permet à ce dernier de créer son propre système de roaming et de passer ses propres accords spécifiques avec des opérateurs de pays étrangers puis de proposer aux utilisateurs un roaming vers ce pays à des prix plus intéressants que les tarifs des opérateurs en place. L’utilisateur n’a pas besoin de changer de carte SIM et il aura une facture prévisible lors de ces déplacements à l’étranger.