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Avicca : une lecture industrielle du plan fibre

23 mars 2012

Régis Paumier est Délégué Général du Sycabel, le Syndicat Professionnal des Fabricants de fils, cables éléctriques et de communication. Il expose un point de vue intéressant, trop peu souvent exprimé, sur l’impact industriel du plan fibre en France. L’ensemble des adhérents du Sycabel représentent environ 3 milliards d’Euros de chiffre d’affaire. Son intervention lors du colloque de l’Avicca présentait la vision de l’ensemble de la profession qu’il représente.

Pour lui en effet, le seul enjeu à la demande exponentielle de débit est la fibre, même si d’autres voies peuvent exister. Que l’on parle de haut débit fixe ou mobile, la fibre est incontournable, c’est un passage obligé. Il examine ensuite les différentes manières dont cette constatation se traduit sur le plan industriel dans la mesure où les objectifs sont maintenant connus : Il faudra raccorder 30 millions de foyers à la fibre dans les 15 années à venir.

Il expose ainsi un ensemble de défis à relever dans la course qui s’est engagée, défis qui sont assez rarement pris en compte, sachant que l’objectif des 30 millions de foyers cablés a des implications qui vont bien au-delà de la simple pose de millions de kilomàtres de fibre optique dans le sous sol Français. Il faut en effet prendre en compte la manière dont tout cela va se mettre en place et fonctionner.

Il identifie 4 grands défis qu’il examine les uns après les autres

Le défi de la production

Le défi de l’innovation

Le défi de la formation

Le défi de la réalisation

Il s’appuie sur quelques chiffres pour prendre conscience de l’effort de production que le plan nécessite, à partir d’extrapolations tirées des différents plans d’aménagements réalisés par les collectivités territoriales en France. Il faudra poser 3 millions de km de câble à fibre, c’est-à-dire installer environ 100 millions de km de câble optique, aussi bien dans le sous sol, en aérien que dans les immeubles. Il faudra aussi produit 5 millions de boitiers de raccordement et mettre en place entre 7000 et 10000 NRO (Nœuds de raccordements optiques) équivalents optiques des NRA pour le cuivre.

La conclusion qu’il tire de sa présentation est qu’il sera difficile, voir impossible de combler le gap entre la situation actuelle et les objectifs qui ont été fixés. Il ne voit pas très bien comment résoudre le problème pour l’instant, dans les conditions actuelles à moins de multiplier des aujourd’hui par 5 le rythme de déploiement actuel. Visiblement, on n’en prend pas le chemin.

Il préconise cependant la nomination d’un pilote pour ce plan, mais l’état est il une bonne solution quand on connait les travers de la bureaucratie dans notre pays? Il préconise aussi la mise en œuvre d’un véritable plan de financement de ces investissement, mais les caisses sont vides…. Il indique enfin que la mise en œuvre par zone, en commençant bien sûr par les zones denses a probablement été une erreur, mais il est difficile de forcer les opérateurs à se porter en premier lieu sur les zones non rentables…même si les zones rurales ont plus que tous besoin du haut débit pour tenter de se revitaliser.

Voir la présentation du Sycabel au colloque Avicca du 19 mars

“Connect America Fund”, 4 milliards de dollars pour la montée en débit aux Etats Unis

2 novembre 2011
France Telecom 92045

Cabine téléphonique en milieu rural !!

La FCC américaine, équivalent de notre ARCEP nationale, vient de prendre une nouvelle décision qui permettra aux territoires ruraux aux Etats Unis de bénéficier un jour d’une meilleure couverture cellulaire et d’obtenir des connexions Internet haut débit à la place des connexions escargot qui sont encore le lot commun pour plus de 18 millions de personnes, soit un peu plus de 5% de la population américaine.  Il ne s’agit pas d’un nouveau crédit de 4 milliards affecté au haut débit rural mais tout simplement de la réutilisation de fonds qui étaient affectés pour installer le téléphone fixe dans les zones rurales… !!

Réforme du système de taxation des lignes téléphoniques aux US

Le projet qui s’appelle « Connect America Fund » s’appuie sur le fait que maintenant, tout le monde admet que le bon vieux téléphone (plain old téléphone souvent appelé POT aux Etats Unis) a vécu. « Nous prenons un système conçu pour l’ére des téléphone à cadran rotatif de Graham Bell et on le modernise pour l’ère de Steve Jobs et l’Internet du futur qu’il a imaginé » précisait Julius Genachowski, chairman de la FCC… Plus important encore, il efface presque d’un coup de baguette magique un ensemble de contraintes régulatoires dites de « régulation inter-opérateurs », c’est-à-dire un ensemble complexe de taxes, de compensations et de subventions inextricables entre opérateurs autour des lignes téléphoniques traditionnelles qui pesaient sur les prix des accès internet parce que répercutées par les opérateurs sur les consommateurs et souvent amplifiées du fait de leur complexité et de leur impact sur l’organisation même des opérateurs.

L’ICC revu pour les réseaux télécom à l’époque d’Internet

Ce système de taxation, appelé ICC, est un vaste système constitué de dérivées et d’ajouts en couches successives, parfois contradictoires, de taxes et de mesures suites à la dérèglementation effectuée en 1984 qui séparait AT&T en 8 Baby Bell indépendantes pour créer un marché concurrentiel aux Etats Unis (Ce qui est arrivé en France en 1996 avec la privatisation de France Télécom qui entre autre a donné naissance à l’ARCEP). Julius Genachowski poursuit : « Notre refonte du système de compensation inter-opérateurs éliminera graduellement les milliards de dollars des subventions cachées payées aujourd’hui par les consommateurs dans leurs factures de téléphone cellulaires et longue distance. Notre équipe estime que le consommateur bénéficiera de la réforme de l’ICC (inter-carrier compensation) pour plus de 2 milliards de dollars annuellement.» Il ne s’agira pas de baisse des prix mais d’allocation différente de ces fonds perçus par les opérateurs. En d’autres termes, cela signifie que 2 milliards de dollars des factures de téléphone fixe et mobile aux Etats Unis vont être calculés et facturés différemment (ce qui dans certains cas conduira tout de même à une baisse de prix) et attribués à des usages plus clairs et plus précis pour le développement des réseaux haut débits ruraux.

Comment font-ils ?

Accompagné d’un fond supplémentaire de 1 milliards de dollars dédié à la mobilité, ce nouveau « Connect America Fund » servira à partir de 2012 à construire 100000 miles soit un peu plus de 160000 km de lignes dans l’Amérique rurale donnant accès haut débit à plus de 18 millions d’américains… En France, il y a à peu près 2 millions de personnes dans cette situation, un rapide calcul nous mène à un ratio de 10% environ et nos zones rurales sont bien moins grandes que les zones rurales américaines… ce qui est un avantage supplémentaire pour nous. Comment avec 4 milliards les américains arrivent-ils à faire pour 18 millions de personnes disséminés sur des millions de km² ce qu’on est incapable de faire pour 2 millions de personnes avec 300 millions d’Euros… (équivalents de 400 millions de dollars) sur un territoire qui fait la taille d’un seul état comme le Texas  et est beaucoup plus peuplé ?

Les prix de France télécom trop élevés ?

Dans son rapport sur la montée en débit daté du mois de juin dernier, l’ARCEP ne s’aventure dans aucun chiffrage financier… Beurk, c’est pas propre de parler d’argent… nous sommes en France. Mais il apparait assez clairement dans un chat sur Internet, organisé cet été par l’ARCEP à propos de la montée en débit, qui concerne ces 2 millions de personnes (ou un peu plus) dans les zones rurales en France, que la montée en débit dépend essentiellement de France Télécom qui possède les sous-répartiteurs. Il apparait qu’il y a environ 20000 sous-répartiteurs concernés par la montée en débit, soit 3 millions de lignes. Chaque répartiteur mis à jours et prêt pour la montée en débit couterait entre 30000 et 50000 euros (que France Télécom facture aux collectivités). Le calcul est maintenant assez simple, ça fait entre 600 millions et 1 milliard d’Euros pour faire passer au haut débit les français ruraux. Il doit y avoir un bugg quelque part… !!  Notre opérateur historique nous cacherait-il quelque chose ?  L’ARCEP ne s’étonne pas? Où bien nos amis américains disposeraient-ils de nouvelles technologies beaucoup moins chères dont ils ne nous parlent pas… ? France Télécom pratiquerait-il des prix outrageusement élevés lorsqu’il s’agit d’équiper les collectivités publiques, c’est-à-dire en fait qu’il se ferait en quelque sorte subventionner par nos impôts de façon détournée ?

Google, un bon citoyen qui investi dans le vent

7 juin 2011

Le géant du Web confirme son intérêt et son implication dans les énergies renouvelables en investissant $55 millions dans un projet qui sera ensuite loué au constructeur Terra-Gen Power, maitre d’œuvre d’un vaste projet de ferme éolienne appelé Alta Wind Energy Center (AWEC) dans les pays indiens du Ken County, près du désert de Mojave en Californie du Sud.

$400 millions d’investissement dans les énergies renouvelables

Cette nouvelle contribution, qui ne provient pas du vecteur d’investissements Google Ventures mais est prise sur le budget de la division Green Business Operations de la compagnie, porte à $400 millions l’ensemble des investissements de Google dans les énergies renouvelables, éoliennes et solaires. Parmi ces investissements, Google signait l’année dernière un deal sur 20 ans avec la société NextEra pour acheter 114 megawatts d’énergie éolienne afin d’alimenter ses datacenters dans l’Iowa.

De même, en 2009, Google achetait une usine de pâte à papier au bord de la mer à Harmina en Finlande, soulevant quelques inquiétudes locales… Il y a quelques jours il annonçait à cet endroit l’ouverture prochaine d’un vaste datacenter entièrement et naturellement réfrigéré par l’eau de mer. En avril dernier, Google a pris le contrôle de la ferme éolienne Shepherds Flats de 845 MW en Orégon pour $100 millions, quelques jours après avoir investi $168 millions dans la ferme solaire Ivanpah Solar Electric Generating System de 2600 MW gérée par Bright Source Energy.

Le plus important projet éolien aux Etats Unis

Le projet AWEC de ferme éolienne est probablement l’un des plus important projet de ferme éolienne aux Etats Unis. Il doit se développer en 5 tranches ou projets successifs appelés Alta I à V qui pourront déployer jusqu’à 1550 megawatts une fois achevées, suffisamment pour alimenter 450000 foyers. Google est impliqué dans ce projet avec la Citi Bank (dont le montant des investissement n’a pas été précisé) à travers un investissement dans la tranche spécifique Alta IV du projet global, cette tranche devant produire102 MW, alors que la Citi est plus impliquée dans les tranches Alta II et V. Les éoliennes sont construites par la société Vestas. Initiées en mars 2010, les tranches en place produisent déjà 720 MW, revendus à la compagnie d’électricité Southern California Edison. Terra-Gen Power qui a dejà levé plus de $1.2 milliards de financements pour l’ensemble du projet à pour mission d’installer et de gérer l’ensemble de la ferme éolienne sur le long terme.

De plus larges ambitions

Google dans son communiqué de presse précise que la puissance initiale du projet était de 3000 MW. Ce projet AWEC fait partie d’un projet plus large appelé TRTP (Tehachapi Renewable Transmission Project) qui devrait produire 4500 MW basés sur la production, le stockage et le transport de différentes énergies renouvelables. AWEC a pour but d’aider l’Etat de Californie à atteindre ses objectifs contenus dans la régulation dite RPS (Renwable Portofolio Standard). Pour la Californie, le RPS était signée par Arnold Schwarzenegger en novembre 2008 avec comme objectif de passer à 33% de la consommation totale d’énergie en Californie, la part des énergies renouvelable d’ici 2020. Ce taux qui avait été précédemment fixé à 20%. Selon Google, le site AWEC, une fois mis en œuvre complètement, augmentera de 30% la capacité de production éolienne de la Californie.

On comprendra bien que les ambitions de Google ne sont pas simplement altruistes. Ces investissements viennent en appui de sa stratégie de développement de Data Center dont il cherche à réduire les coûts de fonctionnement pour permettre aux Internautes de créer et stocker encore plus de contenu et de les faire circuler sur le net… Cette attitude d’investissement citoyen, à usage industriel, pour accompagner le développement d’Internet en respectant les normes du développement durable, méritait d’être signalée.

ORANGE FRANCE TELECOM : VERS LA FIN DES ILLIMITES

6 juin 2011

France Télécom semble beaucoup envier la situation de ses confrères opérateurs américains qui leur permet d’augmenter leurs tarifs comme ils veulent sans grand contrôle de la part de la FCC. Stéphane Richard, PDG de Orange France-Télécom a désormais ses entrées au Wall Steet Journal et il en profite largement pour exprimer et faire passer un certain nombre de messages qui entrent dans une vaste campagne de sensibilisation destinée à faire admettre au grand public la version « opérateurs » de la Neutralité du Net, élément clé de la nouvelle stratégie de l’opérateur historique. A la fin du mois de mai, la veille de son intervention au e-G8, Stéphane Richard accordait une nouvelle interview au Wall Street Journal (Allthingsdigital) publié par Dow Jones and Co lui-même détenu par News Corp dont le propriétaire est Rupert Murdock, lui aussi invité par Nicolas Sarkozy au e-G8,. Dans cette rubrique du Wall Street Journal, dédiée aux technologies numériques, il y parle un peu plus librement et donne un certains nombre de précisions techniques sur cette guerre de position qui oppose les vieux opérateurs de télécommunication (FT, AT&T, Verizon, Comcast, Deutsche Telekom, Vivendi, Vodaphone, etc… ) aux nouvelles sociétés du numériques (Facebook, Apple, Google, Amazon, Skype, Groupon, Linkedin, etc…) qui proposent leurs nouvelles infrastructures de services  au dessus (over the top) de la tuyauterie des réseaux fixes et mobiles.

Contrôler l’utilisateur et avoir la main sur son portefeuille

Dans un premier temps, l’auteur de l’interview fait remarquer que le réseaux de France Télécom est celui qui « supporte » le plus d’iPhone dans le monde, après celui d’AT&T. Dans les coulisses de France Télécom, il est reconnu que les responsables  groupe n’aiment pas l’iPhone, même si il apporte beaucoup de chiffre d’affaire, d’une part parce qu’il augmente de façon significative le trafic sur le réseau, d’autre part parce que France Télécom doit payer des redevances à Apple, enfin et surtout parce qu’Apple dispose d’un lien très fort avec ses utilisateurs et d’un fort pouvoir de contrôle par le biais des applications et du contenu téléchargé sur l’Appstore et iTunes. « Chacun devrait les remercier d’avoir mis un tel produit sur notre marché » rappelle pourtant Stéphane Richard, mais très ouvertement à l’intérieur de France Télécom, on joue Android contre l’iPhone parce que Android est un système plus ouvert qui permet à l’opérateur d’avoir entièrement la main sur l’utilisateur et, plus important encore, sur son portefeuille. Stéphane Richard ajoute : “Pour moi, le risque théorique est, plus que tout autre chose, que Google puisse utiliser les releases d’Android comme une arme dans leurs relations avec les fabricants de terminaux (smartphones) et indirectement contre les telcos. Cependant, ils n’ont pas réellement essayé de le faire. »

La neutralité du Net est un moyen d’y parvenir

Stéphane Richard aborde ensuite candidement  la neutralité du Net et précise: “ Tout le monde parle de la neutralité du Net, mais la neutralité du net n’est pas seulement un problème de gestion de tuyaux… Elle s’étend aussi à la gestion des boutiques d’applications… Si vous avez des gens comme Apple qui gèrent leurs boutiques d’applications et disent: celle-ci-est OK mais je ne veux pas voir cette application dans ma boutique, alors il y a un problème… » En effet, examinons comment les opérateurs ont pendant longtemps empêché la mise en œuvre de l’application de Skype sur les téléphones mobiles… en empêchant cette application de fonctionner sur leurs réseaux. La démarché est la même qui est reprochée par Stéphane Richard, avec des moyens différents et la dépendance à l’opérateur est alors plus profonde, particulièrement dans un marché comme celui des Etats Unis où les 2 opérateurs télécom  se partagent le marché dans un oligopole exemplaire avec un unique opérateur de câble (Comcast) et un régulateur impuissant. Les services innovants ne viennent en effet pas des opérateurs.

Faire payer la consommation des données

L’article rappelle ensuite plusieurs positions de Stéphane Richard exprimée à la fin de 2010 sur le sujet. «  Les opérateurs de services noient les réseaux sans aucune incitation, dit-il, il est nécessaire de mettre en place un système de paiement par les opérateurs de services en fonction de leur utilisation » Plus loin il ajoute… « Nous allons progressivement nous écarter de l’approche illimitée qui a été la marque de fabrique de notre industrie vers quelques choses de plus sophistiqué ». En d’autres termes, les opérateurs vont encore plus souvent se prendre les pieds dans le tapis avec des activités marketing encore plus sophistiquées et encore plus coûteuses pour mieux contrôler et augmenter la facture de l’utilisateur final.   En 2010,  Giuseppe de Martino, Directeur juridique de Dailymotion précisait : « Actuellement, environ 40% de nos dépenses sont déjà de toute façon dans le réseau- serveurs, peering, notre propre réseau de livraison de contenu et d’autres ressources.. Si les opérateurs téléphoniques veulent que nous partagions leurs dépenses, peut-être on devrait alors parler de partager leur revenus d’abonnement aussi… ». Dailymotion partage maintenant les revenus de France Télécom, tout simplement parce qu’il a été racheté par France Télécom en début de cette année…

Négociations avec Apple, Appstore et carte SIM

Revenant sur les relations avec Apple, Stéphane Richard précise que des négociations ont eu lieu sur différents points. . « Nous avons pu arriver à des solutions avec les gens d’Apple, mais si ils sont un peu durs… On est capable de trouver des solutions, nous ne sommes pas en guerre, mais c’est vrai que ça peut être dur.  Bien sûr, nous préférerions voir ces services enfouis dans le terminal comme nous le faisons avec Android (sur les terminaux Samsung ou HTC). Ca n’est pas possible avec Apple. Nous devons continuer d’apporter ces applications à nos clients à travers l’appstore, sachant clairement que nous avons accès à l’appstore. »  Et il menace…« En cas de problème, nous irons devant la justice…si par exemple Apple dit, je ne veux pas de cette application… » Apple a aussi travaillé depuis plusieurs années à réduire la taille des cartes SIM pour réduire encore la taille de l’ iPhones. Il aurait aussi envisagés un iPhone sans carte SIM, au sein d’un programme appelé e-SIM project ou encore une carte SIM modifiée qui lui permettrait de s’insérer facilement entre l’opérateur et l’abonné.  Stéphane Richard indique : «  Nous leur avons tous dit que c’était une mauvaise idée (de supprimer la carte SIM) parce que c’est une pièce cruciale de la sécurité et du processus d’authentification. » A noter que certains opérateurs américains comme Verizon ne l’utilisent pas et ne connaissent pas plus de problèmes de sécurités que d’autres…). Il poursuit : «  cela serait très difficile pour les opérateurs téléphonique de gérer leurs relations clients…Je pense qu’ils ont compris ce point. Nous avons eu un échange et un dialogue très constructifs avec eux. Nous allons travailler avec eux pour standardiser un nouveau format de carte SIM qui prenne en compte nos besoins de sécurité et d’authentification qui soit aussi compatible avec leurs souhaits en termes de taille. »  

Cri d’alarme au e-G8 : « Le réseau risque de s’écrouler »

Au cours de cette interview, il place une idée qu’il exposait le lendemain au cours de sa présentation au e-G8 en indiquant que le réseau pourrait s’écrouler à cause d’un trafic trop important. Il crie au loup… En effet, la stratégie des opérateurs en matière de capacité de réseau est très ouvertement de ne pas investir selon les besoins, mais en dessous, de façon à toujours maintenir une pression et une certaine rareté sur la bande passante, et ainsi en maintenir la valeur… « Nous sommes les gens qui tiennent les tuyaux » rappelle-t-il. Il voit un problème « parce que les gens qui créent le trafic ne sont pas réellement incités à gérer le trafic proprement et globalement » comprenez : le gérer de la manière dont le voient les opérateurs qui considèrent les tuyaux, et les fréquences comme leur propriété personnelle.  Cette vision passe encore aux Etats Unis, mais elle passe de plus en plus difficilement en Europe ou encore dans les pays en voie de développement pour qui le décollage dépend de ces infrastructures et rend l’utilisateur entièrment captif de celui qui détient l’infrastructure et impose des péages un peu partout.

Stratégie de restriction de la bande passante

Cette stratégie de restriction de la bande passante est donc aussi un bon moyen de faire pression sur les gouvernements qui cherchent à le réguler et de presser l’utilisateur pour maintenir l’ARPU, tout en criant à qui veut bien l’entendre que la concurrence est odieusement avantagée par des positions monopolistiques, savamment protégées à l’étranger.  Or le coût de la bande passante ne cesse en effet de baisser dans un mécanisme à peu près identique à celui de la loi de Moore dans les PC. Il est reconnu que le coût des réseaux de fibre optiques sont pour plus de 70% dans le génie civil (les tranchées qu’il faut creuser pour y mettre la fibre) et que le prix des matériels baisse alors que la capacité de bande passante d’une fibre continue d’augmenter de façon vertigineuse (32 terabits/seconde pour une seule fibre).  Mais plutôt que de répercuter cette baisse de coût à l’utilisateur comme l’a fait Intel pendant des années avec le coût des processeurs dans des PC toujours plus puissants et moins chers (à noter que les investissements de Intel en outils de productions et en R&D sont énormes…), les opérateurs préfèrent faire plus de marge pour payer leurs dettes, des dépenses somptuaires dans les contenus et imaginer de nouvelles stratégies marketing inutiles pour verrouiller leurs abonnés. La position monopolistique des opérateurs  se fait sur le dos de l’utilisateur alors que les positions monopolistiques d’un Microsoft ou d’un Intel avec le PC, d’un Facebook ou d’un Google profitent particulièrement à l’utilisateur final puisqu’elles lui apportent des services nouveaux et des possibilités nouvelles à des coûts nuls ou fortement décroissants.

La question qu’il aurait fallu poser au e-G8

Stéphane Richard conclue son interview au Wall Street Journal en disant, sans mentionner directement la bande des 4 (Google, Facebook, Apple et Amazon).  « Il y a un déséquilibre dans le système général, ce qui de notre point de vue est un problème majeur… Il est totalement impossible d’absorber une telle explosion du trafic sans premièrement, clairement investir massivement dans le spectre et les équipements et deuxièmement sans introduire de nouvelles approches de fixation des prix. »  Maurice Levy, le PDG de Publicis a « oublié » de poser la question à Mark Zuckerberg ou à Eric Schmidt de savoir ce qu’ils pensaient du cri d’alarme de Stéphane Richard. En effet, alors que les 4 (et d’autres encore) sont en train de créer de véritables infrastructures de services qui utilisent des tuyaux qui « appartiennent » aux opérateurs, ne sont-ils ils pas inquiets d’entendre Stéphane Richard dire que ces tuyaux risquent d’exploser parce qu’il n’investi pas suffisamment pour garder le contrôle des utilisateurs? A quelle stratégie de backup ont-ils pensé pour se passer des opérateurs le jour où cela arrivera? Il est certain qu’ils y reflechissent…

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Reseau THD mutualisé: impliquer tous les acteurs de l’Internet

18 mars 2011

Gabrielle Gauthey, lors du MWC 2011 de Barcelone mentionnait bien le problème latent d’Internet. Les opérateurs investissent avec de plus en plus de réticence dans les réseaux sachant que leurs marges ne sont plus ce qu’elles furent lorsqu’ils facturaient la voix à la minute. Les opérateurs de contenus (dits Over The Top) facilitent la création de contenus qui circulent librement sur les réseaux fixes ou mobiles qu’ils saturent allègrement, mais ils n’investissent pas dans ces réseaux alors qu’ils dégagent des revenus et des marges redoutables.

D’un côté donc,  les opérateurs téléphoniques sont fortement endettés même si ils dégagent encore de substantiels bénéfices, de l’autre, les over the top qui dégagent aussi de larges bénéfices et disposent en plus de réserves de cash considérables. Google dors sur 30 milliards de cash, Apple à 60 milliards, Microsoft  40 milliards,  Amazon  8 milliards, Facebook, Groupon, Foursquare sont aussi des machines à cash qui jouent un rôle non négligeable sur les réseaux fixes et mobiles. Ce sont, avec des milliers d’autres entreprises, les principaux acteurs d’Internet, mais leurs investissements dans les réseaux sont quasi inexistants.  Le résultat de la situation est que plus personne ne veut investir dans les réseaux, et que les infrastructures fixes et mobiles de circulation de l’information sont en train de devenir le goulot d’étranglement du futur. Développez les services, les infrastructures viendrons disent les politiques… !  La preuve que non…

La mutualisation des réseaux…

Ne faudrait-il pas prendre le problème dans un autre sens avant que de mauvais plans ne commencent à germer dans la tête des opérateurs (on sait très bien qu’ils en sont capables). Ainsi, telle qu’elle a été amenée, l’idée récente de mettre en place un réseau mutualisé et ouvert entre tous les opérateurs après une éventuelle séparation des infrastructures de France Télécom semble la bonne solution. Mais dans l’état actuel des choses, il est clair que les opérateurs en assureraient le contrôle mutuellement… sous l’œil bienveillant des gouvernements ou des régulateurs. Déjà, des conversations entre opérateurs semblent avoir lieu…

On ne peut pas faire confiance aux opérateurs qui depuis longtemps s’entendent entre eux (ils se sont fait prendre plusieurs fois) et qui fondamentalement n’aiment pas le net parce qu’ils ne peuvent pas le contrôler. On imagine tout de suite que la neutralité du Net, déjà bien menacée, prendrait rapidement une nouvelle tournure (du moins en Europe) compte tenu de l’énorme pouvoir de lobbying dont ils disposent dans chaque pays et au sein de la commission européenne et aussi des nombreux chantages qu’ils peuvent exercer. Le net serait rapidement muselé et le racket soigneusement organisé à travers une ouverture à la mode opérateur. La créativité du Net serait complètement annihilée.

…Une bonne idée qui pourrait devenir une catastrophe

Ainsi, susciter une séparation structurelle entre le réseau et l’accès comme on l’a fait avec la SNCF, avec un réseau géré et manipulé par les seuls opérateurs téléphoniques risque de crée un nouvel oligopole d’état… qui sera coûteux, incontrôlable et néfaste. Mais Internet serait enfin sous contrôle, certainement pas pour le meilleur.  C’est pourquoi, dans le cas de la création d’un réseau « Fibre France » dont on parle depuis quelques temps, il serait important d’ouvrir celui-ci aux opérateurs over the top, aux opérateurs de contenus, aux acteurs d’internet… en leur donnant la capacité d’y investir, puisqu’ils ont des business modèles qui leur permettent de le faire, avec un droit important au chapitre pour contrebalancer le poids des opérateurs et imposer leurs vues, plus proche de celles des usagers.

Les opérateurs téléphoniques pourraient ainsi faire du contenu et les opérateurs de contenus pourraient faire évoluer les réseaux à la mesure de leurs ambitions et de leurs initiatives en matière d’usages. Plutôt que de consolider en réduisant le nombre des intervenants sur le marché, la consolidation pourrait intervenir en élargissant la concurrence autour d’un réseau réellement ouvert à tous, véritablement mutualisé et géré comme tel.  Une solution bureaucratique (pour ne pas dire corporatiste) à la française laisserait la porte ouverte à pas mal de dérives bien connues chez nous et ne préserverait pas une bonne évolution du Net, les innovations issues de la base seraient encore plus muselées…

Pas de taxation aux effets douteux

Plutôt que de tenter de taxer les over the top pour ensuite financer des réseaux des opérateurs selon des mécanismes compliqués et douteux qui de toute façon retombent sur l’utilisateur, laissons les vrais acteurs d’Internet s’impliquer directement dans ce réseau mutualisé dont on parle et laissons les bâtir un véritable modèle de gouvernance mutuelle. Les collectivités locales auront aussi leur mot a dire, pleinement et entièrement  impliquées dans le processus de construction et de gestion du réseau, et non pas assis sur un petit strapontin inconfortable, toujours prêt à se replier sous elles, comme c’est la cas aujourd’hui. Mais une première exigence serait une cartographie exacte des réseaux existants et de leur état… On en est encore bien loin…