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Avicca : une lecture industrielle du plan fibre

23 mars 2012

Régis Paumier est Délégué Général du Sycabel, le Syndicat Professionnal des Fabricants de fils, cables éléctriques et de communication. Il expose un point de vue intéressant, trop peu souvent exprimé, sur l’impact industriel du plan fibre en France. L’ensemble des adhérents du Sycabel représentent environ 3 milliards d’Euros de chiffre d’affaire. Son intervention lors du colloque de l’Avicca présentait la vision de l’ensemble de la profession qu’il représente.

Pour lui en effet, le seul enjeu à la demande exponentielle de débit est la fibre, même si d’autres voies peuvent exister. Que l’on parle de haut débit fixe ou mobile, la fibre est incontournable, c’est un passage obligé. Il examine ensuite les différentes manières dont cette constatation se traduit sur le plan industriel dans la mesure où les objectifs sont maintenant connus : Il faudra raccorder 30 millions de foyers à la fibre dans les 15 années à venir.

Il expose ainsi un ensemble de défis à relever dans la course qui s’est engagée, défis qui sont assez rarement pris en compte, sachant que l’objectif des 30 millions de foyers cablés a des implications qui vont bien au-delà de la simple pose de millions de kilomàtres de fibre optique dans le sous sol Français. Il faut en effet prendre en compte la manière dont tout cela va se mettre en place et fonctionner.

Il identifie 4 grands défis qu’il examine les uns après les autres

Le défi de la production

Le défi de l’innovation

Le défi de la formation

Le défi de la réalisation

Il s’appuie sur quelques chiffres pour prendre conscience de l’effort de production que le plan nécessite, à partir d’extrapolations tirées des différents plans d’aménagements réalisés par les collectivités territoriales en France. Il faudra poser 3 millions de km de câble à fibre, c’est-à-dire installer environ 100 millions de km de câble optique, aussi bien dans le sous sol, en aérien que dans les immeubles. Il faudra aussi produit 5 millions de boitiers de raccordement et mettre en place entre 7000 et 10000 NRO (Nœuds de raccordements optiques) équivalents optiques des NRA pour le cuivre.

La conclusion qu’il tire de sa présentation est qu’il sera difficile, voir impossible de combler le gap entre la situation actuelle et les objectifs qui ont été fixés. Il ne voit pas très bien comment résoudre le problème pour l’instant, dans les conditions actuelles à moins de multiplier des aujourd’hui par 5 le rythme de déploiement actuel. Visiblement, on n’en prend pas le chemin.

Il préconise cependant la nomination d’un pilote pour ce plan, mais l’état est il une bonne solution quand on connait les travers de la bureaucratie dans notre pays? Il préconise aussi la mise en œuvre d’un véritable plan de financement de ces investissement, mais les caisses sont vides…. Il indique enfin que la mise en œuvre par zone, en commençant bien sûr par les zones denses a probablement été une erreur, mais il est difficile de forcer les opérateurs à se porter en premier lieu sur les zones non rentables…même si les zones rurales ont plus que tous besoin du haut débit pour tenter de se revitaliser.

Voir la présentation du Sycabel au colloque Avicca du 19 mars

France Télécom et Manche Numérique : Accord historique ou simple geste symbolique?

21 mars 2012

Dans les salons de l’Assemblée ce matin s’est tenue plutôt discrètement une réunion à laquelle participaient un certain nombre d’acteurs clés de la France Numérique en marche. Etaient réunis les responsables de France Télécom en la personne de Bruno Janet, conseiller spécial du CEO de France Télécom, SFR avec Cyril Luneau PDG de SFR collectivités, l’ARCEP venue en grand renfort avec Jérôme Coutant Membre du Collège et Philippe Dister son directeur, Benoit Loutrelle représentant du Commissaire aux Investissements d’Avenir et l’équipe de Manche Numérique au grand complet, Jean François Le Grand Président du Conseil Général de la Manche, Gilles Quinquenel, Président de Manche Numérique et Roland Courteille Directeur de Manche Numérique.

« C’est un accord historique que nous venons signer ici annonçait Gilles Quinquenelle. C’est une grande première pour ce premier jour de printemps… » ajoutait-il non sans humour. Il était repris et approuvé par les responsables des 2 opérateurs, même si Bruno Janet tentait de minimiser un peu l’affaire en affirmant que France Télécom était déjà délégataires de 2 RIP (réseaux d’initiative publique), Laval et Palaiseau…

Jean François Le Grand, repris par Jerome Coutant affirmaient : « La manche a toujours été à la pointe en matière d’infrastructure numérique. Il y a presque 10 ans, elle a été un membre clé et décisif de la démarche qui a conduit à la législation sur le 1425, point de départ du dégroupage. Ce premier accord signé entre France Télécom et un RIP (Manche Numérique) est aussi important pour la mise en œuvre du FTTH en France que l’a été le 1425 pour le dégroupage. »  Bruno Loutrel du Commissariat aux investissements d’avenir précisait : «  Nous sommes heureux d’investir dans un département comme la Manche car nous savons que cet investissement sera bien utilisé et qu’il servira de modèle. »

Premier accord entre France Télécom et un RIP

Voila en effet près de 5 ans que France Télécom regardait les RIP (réseaux d’initiative publique) comme des concurrents, et ne ratait pas une initiative pour les torpiller, les assécher de leur substance en ne se portant pas client de ces infrastructures payées en grande partie par les contribuables. Pire, il allait même jusqu’à construire des réseaux en doublon pour être certain de posséder « son » infrastructure. Cette situation fut amèrement rappelée et mentionnée par diverses collectivités locales lors de la journée de l’Avicca, en début de semaine. Certes me faisait remarquer une membre de l’ARCEP à côté de moi, le cadre règlementaire n’était pas tout à fait stable pendant les premières années. Il l’est cependant depuis bientôt 2 ans maintenant, et Bruno Janet le reconnaissait comme un élément important du  pas en avant franchi aujourd’hui.

Co-investir dans la boucle locale fibre

L’accord passé avec Manche Numérique, dont le délégataire est Manche Télécom filiale de SFR, comporte et défini en effet les conditions financières et techniques (encore aujourd’hui imprécises puisque l’accord n’est que préliminaire) dans laquelle le délégataire et France Télécom collaboreront pour mettre en œuvre les réseaux FTTH sur le territoire de la Manche et proposer une offre commerciale aux foyers raccordables.

Plus spécifiquement, il donne l’espoir à Manche Numérique que la fibre qu’il a installée pour desservir les 26000 foyers de St Lô et de Cherbourg raccordable directement à la fibre d’ici la fin 2012 pourront effectivement disposer d’une offre commerciale réelle, chose qui reste encore en suspend dans beaucoup de RIP. Si les RIP se sont développés avec un certain succès pour la collecte, en général pour le dégroupage des NRA de France Télécom, la difficulté est apparue lorsque que les RIP ont commencé à s’occuper de la desserte pour le FTTH, c’est-à-dire de la réalisation de la partie entre le NRO (Nœud de Raccordement Optique) ou encore le point de mutualisation et l’abonné, en d’autres termes la boucle locale fibre, une sorte d’araignée de mer longtemps insaisissable et indéfinissable, selon la taille, la portée (en nombre d’abonnés) et la place des NRO, des sous NRO et/ou des points de mutualisation (pour garder un langage à peu près compréhensible par les gens normaux).

France Télécom, qui ne diffuse toujours que très parcimonieusement la localisation de ses fourreaux semblait jusqu’à aujourd’hui s’être positionné pour faire cavalier seul et développer des réseaux de desserte en concurrence avec les RIP, en utilisant son avantage sur les fourreaux et laissant les RIP développer du génie civil fort couteux. L’enjeu est cependant de taille entre les opérateurs puisque cette « boucle locale fibre » est un élément qui doit etre mutualisé pour permettre à l’abonné d’avoir accès à une offre concurrentielle, mais elle doit aussi être co-financée par les opérateurs qui font une offre commerciale… Et c’est là que le bât blesse, les opérateurs n’arrivant pas à s’entendre, l’opérateur historique par dessus le marché faussant le jeu par le poids qu’il occupe sur le marché.

Un premier test réalisé sur 1000 foyers

Cet accord prévoit donc que France Télécom co-investira avec le délégataire pour réaliser la distance à parcourir entre l’abonné (la prise) et le premier point de mutualisation accessible. Ce co-investissement consistera à réaliser la liaison entre les 2, c’est-à-dire en quelque sorte à construire une véritable boucle locale fibre mutualisée, en utilisant divers moyens dont les fourreaux de France Télécom déjà existants, la pose de fibre en aérien, ou du génie civil là où rien d’autre n’est possible.

A ce titre, une expérimentation a déjà été réalisée dans une zone très peu dense de la Manche entre France Télécom, Manche Numérique, SFR et Manche Télécom pour équiper 1000 foyers dans une zone très peu dense. Cette expérimentation a fait l’objet d’un co-financement public privé avec des fonds du grand emprunt…

Un succès pour Manche Numérique

Le département de la Manche se veut aujourd’hui un territoire pilote pour le déploiement du FTTH dans un département rural. « Les objectifs indique Gilles Quinquenelle sont de permettre d’ici 2017 à 120000 foyers du département de se raccorder à la fibre en plus des 27000 réalisés à la fin de l’année ». Pour cela, l’Etat, par le biais du grand emprunt accordera un financement de €18.47 millions pour y contribuer. Cependant précisent Jean François Le Grand et Gilles Quinquenelle, l’objectif sur le département est de développer les usages et d’innover sur l’utilisation de ces infrastructures par les habitants et les entreprises, son rôle de creuset des usages innovants en milieu rural reste donc entier.

Quel avenir pour les RIP?

Sur la base de ce premier accord, s’il vient à se généraliser, on peut envisager d’un nouvel œil le déploiement du FTTH dans les zones dites « non AMII », c’est-à-dire les zones qui n’entrent pas dans le périmètre de l’Appel à Manifestation d’Intention d’Investissements sur lesquelles les opérateurs se sont déclarés et pour qui les RIP sont principalement mis en œuvre. Bruno Janet, questionné sur la mise en œuvre de tels accords avec les autres RIP restait plutôt évasif : « Aujourd’hui, c’est honneur à la Manche et ça ne serait pas élégant vis-à-vis de la Manche de dire quel sera le suivant. Cela correspond à notre démarche de complémentarité que nous avons mise en œuvre depuis 5 ou 6 ans maintenant…. Quant aux conditions de cet accord, il ya des conditions techniques, des conditions économiques, de timing et de budget qui doivent être respectées. »

« La porte est ouverte pour d’autres RIP, mais nous regardons les réseaux qui répondent aux caractéristiques techniques définies par l’ARCEP. Certains réseaux publics n’y sont pas vraiment conformes. Est-ce que cet accord peut constituer un cadre pour de futurs accords avec la centaine de RIP qui ont été développés en France? Arrêtez de changer les cadres » ajoutait il… En d’autres termes, chaque accord se fera au coup à coup… On est encore loin de l’effet du 1425 qui a permis le dégroupage sur le territoire national…Les questions posées hier à l’Avicca semblent donc toujours d’actualité.

AVICCA: Le très haut débit est-il en panne?

20 mars 2012

Le colloque bi-annuel de l’AVICCA qui s’est déroulé hier posait la question de la mise en œuvre du plan très haut débit en France et très clairement, son Président Yves Rome sonnait le signal d’alarme, une fois de plus. Cependant pratiquement au même moment à Bruxelles, Stéphane Richard, PDG de France Télécom et Neelie Kroes, Vice-Présidente de la Commission Européenne pour l’Agenda Numérique se congratulaient, le premier fier de ses 10 nouveaux engagements et la seconde sur son action pour une économie numérique européenne compétitive et durable.

Pas de 2 médiatique ?  Deux des 10 engagements de Stéphane Richard portent en effet sur le haut débit : le premier sur le déploiement du réseau 4G/LTE dans toutes les filiales européennes d’Orange d’ici 2015 et l’autre, vieux serpent de mer en France, est le déploiement du FTTH pour 15 millions de foyer et 80% de la population Française d’ici 2020…

 Les objectifs 2020 ne seront pas atteints

Très clairement, selon Yves Rome, on sait dès aujourd’hui qu’à la vitesse où le déploiement se réalise en France aujourd’hui, on sera loin d’atteindre le second objectif à l’échéance indiquée… Comme d’habitude, les opérateurs ne tiennent pas leurs promesses, où ils expriment leurs promesses de façon tellement peu mesurable qu’ils auront de toute façon raison à la fin… Il faut reconnaitre cependant que ce comportement n’est pas une prérogative uniquement spécifique à France Télécom, mais celui-ci est beaucoup plus visible du fait qu’il est l’opérateur historique en position dominante… France Télécom est ainsi considérée dans le milieu des collectivités locales comme étant celui qui a fortement ralenti, voire empêché, le développement rapide de la fibre en France. Le colloque de l’Avicca a été l’occasion pour de nombreuses collectivités de l’exprimer en expliquant leur action pour la mise en place de réseaux de fibre à destination des abonnés, réseaux de fibres qu’on appelle RIP (réseaux d’initiative publique), un sigle qui pourrait aujourd’hui être considéré comme une certaine forme d’humour noir.

La France numérique, 17ème en Europe, prend du retard dans le FTTH

Yves Rome, dans l’introduction qu’il faisait de cette journée, pose très clairement le problème des opérateurs qui font de grandes et jolies promesses et qui ne les tiennent pas, pour des raisons toutes aussi valables les unes que les autres, tant qu’il n’y a pas de sanction. Aujourd’hui, les opérateurs ont cessé de s’intéresser au FTTH fixe, au profit du mobile. Il ne manque pas de mentionner que la France, dans le concert  Européen des nations fibrées, est aujourd’hui classée en 17ème position pour le taux de pénétration de la fibre à l’abonné, entre la Turquie et la république Tchèque… !

Volonté et transparence sont en berne chez les opérateurs privés pour ce qui concerne le FTTH et leur sincérité est fortement mise en cause dans la mesure où ils refusent la mesure des objectifs et la sanction de ceux qui ne sont pas atteints. Se jouant des différents mécanismes incitatifs qui ont été mis en place, au niveau réglementaire et financier, les opérateurs, dans leur comportement, nient presque complètement les réseaux d’initiative publique et entrent même en concurrence avec eux, en cassant les prix ou en construisant leur propre réseau en doublon, là où l’argent public des contribuables a déjà été sollicité, ou encore en s’abstenant de s’impliquer, là où il serait souhaitable et pourtant rentable pour eux. Cette situation doit-elle changer ? Peut-elle changer ? Mais comment ?

Yves Rome, introduction du colloque de l’Avicca du 19 mars 2012

Des réseaux ouverts d’intérêt public aux Etats Unis…

12 avril 2011

Depuis bien avant la bulle Internet aux Etats Unis, les opérateurs de télécom et de câble ont largement et ouvertement combattu la mise en place de réseaux établis et gérés par les collectivités locales afin de pouvoir conserver leur monopole (duopole tout au plus) et appliquer des tarifs outranciers pour l’accès à des réseaux souvent désuets des qu’on s’écarte des communiqués de presse. Le magazine Muniwireless www.muniwireless.com a largement  contribué à montrer et expliquer la stratégie prédatrice des opérateurs américains, au détriment des consommateurs. Esme Vos, rédactrice en chef de ce magazine mentionne aujourd’hui un document publié par The Institute for Local Self-Reliance (tout un programme…)  regroupant l’ensemble des réseaux haut débit mis en place et gérés par des collectivités publiques aux Etats Unis Download the Report

Le rapport précise qu’il existe près de 130 réseaux publics qui ont été établis et fonctionnent un peu comme nos Réseaux Ouverts d’Initiative Publique (ROIP) en France. Ils ont été mis en place par 54 villes petites ou plus importantes qui possèdent leur propre réseau de fibre et 79 autres ont mis en place et possèdent leur propre réseau câblé municipal. Ainsi, plus de 3 millions de personnes ont accès à des réseaux de télécommunications dont l’objectif est de maximiser la valeur pour les communautés qui l’utilisent et non pas de maximiser les profits et le pouvoir des grands opérateurs et de leurs dirigeants. A noter que l’Est Américain est plus ouvert à cette pratique que l’Ouest… En Californie, le réseau de fibre municipal le plus connu est celui de Palo Alto…mais il est dans les limbes depuis plusieurs années…

 

L’ARCEP veut élargir les voies du très haut débit en France

11 avril 2011

Jean-Ludovic Silicani, Président de l’ARCEP, réunissait la semaine dernière les journalistes qui s’intéressent à l’évolution des infrastructures et des services Internet en France pour un rendez-vous qu’il qualifiait de bi-annuel, « pour vous tenir informé et discuter des évolutions du secteur » dit-il. Mais la date choisie n’était pas anodine car la semaine précédente s’était tenue une importante réunion à l’Avicca, regroupant un grand nombre de collectivités locales, directement impliquée dans le déploiement du très haut débit sur le territoire et le développement des services internet pour les citoyens en France.

Curieusement, il semble que les routes de l’Avicca et de l’Arcep, qui longtemps ont été parallèles, bien qu’indépendantes, aient entamé une véritable divergence au point qu’aucun représentant de l’ARCEP n’était présent au colloque de l’Avicca, décision apparemment voulue de la part du régulateur pour marquer une certaine désapprobation de l’attitude de l’association qui regroupe plus de 200 adhérents collectivités locales dont 110 villes et agglomérations, 20 syndicats de communes, 57 départements et 20 régions, soit une très grande partie de la population Française.

Lequel des deux diverge… ?

On est donc en mesure de se poser certaines questions sur ce que nous appellerons pudiquement « une brouille »… phénomène suffisamment lourd de signification dans le milieu feutré de l’administration publique et de la politique où les antagonismes s’expriment bien souvent par des signes perceptibles par les seuls initiés. Le Président Silicani ouvrait donc son propos à la presse en disant quelques mots sur le rôle du régulateur « qui doit substantiellement fonctionner à travers des échanges avec les acteurs, c’est-à-dire les collectivités locales et les autres acteurs publics, les équipementiers, les opérateurs, les consommateurs, les experts et les média, chacun jouant son rôle.. La régulation est un exercice à la fois utile et nécessaire. »

A noter que l’Avicca qui prend ses racines chez  les élus des collectivités territoriales parait plus proche des préoccupations des consommateurs que ne l’est l’ARCEP pour qui le consommateur est un être un peu bizarre dont il faut bien sûr parler, peu ou mal représenté d’un point de vue administratif, que l’on peut connaitre par sondages ou en parlant à quelques organismes dits représentatifs… L’Arcep a aussi toujours suscité de la méfiance chez les élus qui voient en elle une sorte de concurrent technocrate dans leur rôle de législateur.

Les  conditions de la fibre en France : France Télécom mis sur un pied d’égalité avec ses concurrents… !

Le Président de l’Arcep, après avoir rappelé que le secteur dont il s’occupe représente un secteur de croissance, stratégique pour l’économie de la France, tout autant que pour son organisation sociale, a tenu à préciser le nouveau cadre règlementaire qu’il met en place pour la fibre…  « L’esprit général de ce cadre est de favoriser pour la fibre optique un cadre réglementaire symétrique qui soit identique pour tous les acteurs, sachant qu’il s’agit d’un marché nouveau. A priori sur ce marché ou sous-marché comme celui de la fibre optique, il n’y a pas d’acteur puissant puisque, évidement, ces réseaux n’existent pas…. Conformément à la loi de 2008 et à la loi Pintat, nous avons donc édicté une régulation symétrique qui fixe des règles de déploiement similaires pour tous les acteurs dans les zones très denses et dans les zones moins denses. Nous avons prévu un rendez vous, un bilan dans 18 mois, disons au 2ème semestre 2012 pour voir ce que donneront ces déploiements dans les zones très denses et dans les zones moins denses. »

Faire prendre la « mayonnaise fibre »

« Nous apprécieront à ce moment là s’il est nécessaire de compléter cette régulation symétrique par une régulation asymétrique si d’une part l’un des acteurs (on peut imaginer lequel) prenait une position dominante sur ce marché, mais il faudrait aussi qu’il empêche les autres acteurs par ailleurs, qu’il abuse de cette position puissante. » L’objectif de l’Arcep est de donc faire prendre « la mayonnaise fibre » avant tout au plus vite, quitte à donner un coup de frein si, comme c’est probable, des dérapages interviennent par la suite. En effet, le mouvement a été lancé en 2006 par Free qui jetait un pavé dans la marre en rachetant l’opérateur Cités Fibre, mais il a plutôt fait long feu puisqu’il n’y a aujourd’hui qu’une petite centaine de milliers d’abonnées au FTTH, malgré les quelques 6 millions d’appartements « câblés ou fibrés », la plupart en pied d’immeuble.

La concurrence par les infrastructures plutôt remise en cause

« Nous ferons ce bilan sereinement en 2012 précise Jean-Ludovic Silicani…  et verrons là si une régulation classique asymétrique telle qu’elle existe sur les réseaux en cuivre est nécessaire. Mais on ne peut que souhaiter qu’il y ait des investissements et des acteurs qui investissent. La mauvaise nouvelle serait que les acteurs n’investissent pas mais la bonne nouvelle est qu’ils investissent… !! Pour dire clairement le fait que FT ait annoncé des investissements relativement importants est une bonne nouvelle, le fait que d’autres acteurs aient annoncé, certes avec moins de précisions chiffrées, des intentions d’investissements (dans les zones moins denses) c’est aussi de bonnes nouvelles et le fait que les collectivités locales aient envie d’investir dans ces zones moins denses sont des bonnes nouvelles. »

La mutualisation boudée par les opérateurs

Mais d’une façon générale, la concurrence par les infrastructures est plutôt remise en cause sur ses effets, qui ne sont pas vraiment ceux qu’on attendait. En effet,  à Paris qui est pourtant sur-fibrée, les abonnés sont toujours aussi peu nombreux faute d’offre sérieuses et faute de fibrage vertical des immeubles. « Le fait qu’il y ait une pluralité d’acteurs souhaitant intervenir est quelques choses de tout à fait positif, ajoute le président de l’ARCEP. Ce qui est clair est que dans ces zones moins denses le modèle du déploiement sera celui de la mutualisation parce que économiquement la concurrence par les réseaux ne peut pas fonctionner dans les zones moins denses, elle n’est pas rentable. C’est l’esprit de la réglementation asymétrique pour les zones moins denses, mutualisation par les réseaux ouverts qui permet la concurrence. » D’un côté donc, d’énormes investissements qui ne servent pour l’instant à rien, de l’autre un modèle qui ne fonctionne pas et une mutualisation que les opérateurs  acceptent difficilement.

Quel est le véritable plan d’investissement de France Télécom ?

En attendant la fibre dans les zones moins denses semble plutôt mal traitée. On remarquera en effet que l’Appel à Manifestation d’Intention d’investissement de France Télécom (AMII) porte sur 3600 communes les plus peuplées, s’échelonne sur une période de 2010 à 2020 et porte sur 2 milliards d’Euros alors que le Plan Conquète 2015 qui avait été présenté par Stephane Richard, nouveau PDG de France Télécom en juillet 2010 portait sur 350 communes équipées sur une période de 2010 à 2015 et portait sur les mêmes 2 milliards d’Euros d’investissement…

Le coût d’installation de la fibre aurait-il subitement baissé ou bien France Télécom compte-t-il sur de nouveaux co-financements ? Cet AMII est-il vraiment crédible? L’ombre d’un projet « France Fibre » continue de planer, même si l’ARCEP n’y accorde aucun crédit. On comprendra que les élus s’inquiètent de ce que l’opérateur historique propose aujourd’hui… Tiendra-t-il ses promesses ? Les réalités du terrain dans la France profonde semblent hélas très éloignées de celles des communiqués de presse parisiens…

La régulation de la montée en débit…

Pour ceux qui n’ont pas la chance d’être dans une zone dense ou moins dense, la solution restante est « la montée en débit », c’est-à-dire le dégroupage au niveau des sous répartiteurs, proposée par France Télécom, en grande partie aux frais des contribuables. Aujourd’hui, L’Arcep estime que près de 3 millions de foyers peuvent être concernés par la montée en débit qui permet à France Télécom d’améliorer son réseau en fibrant les sous NRA (sous répartiteurs) et en dégroupant au niveau de la sous boucle locale jusque là basée sur ses réseaux cuivre trop long pour être normalement éligibles au haut débit.

L’opération, financée en grande partie par les contribuables via des subventions des collectivités locales, consiste pour France Télécom à fibrer la partie entre le NRA et le sous NRA (en s’appuyant sur son propre le génie civil existant) et à insérer des DSLAM au niveau du sous-répartiteur, ce qui réduit la longueur de la paire de cuivre qui va jusqu’à l’abonné, lui permettant ainsi de recevoir le DSL. D’entrée, toutes choses égales par ailleurs, grâce à la montée en débit, France Télécom peut rapidement court-circuiter les autres opérateurs qui eux, restent au NRA éloigné avec leurs clients inéligibles au DSL si ils ne viennent pas, à leurs frais,  installer leurs équipements DSLAM dans le sous répartiteur, alors que France Télécom, grâce aux deniers public, peut leur offrir du DSL.

….repousse l’arrivée du FTTH dans les zones rurales

Pour éviter ces déséquilibres, l’ARCEP régule donc les conditions de la montée en débit qui permettront aux autres opérateurs (y compris les opérateurs dépendant des collectivités locales) de bénéficier de conditions proches des prix coûtants de France Télécom (offre dite PRM) pour dégrouper la sous boucle. Mais France Télécom bénéficiera d’un droit d’usage d’une bonne partie du réseau installé et payé en majorité par les contribuables. Cette régulation de la montée en débit institutionnalise donc l’opération faite par France Télécom et renforce localement le poids de l’opérateur historique. Pour de nombreuses collectivités qui doivent y investir des sommes importantes pour répondre aux demandes de leurs habitants, France Télécom renforce une présence déjà quasi incontournable sur leur territoire et l’opération repoussera l’arrivé de la fibre à la maison sur leur territoire pour de nombreuses années, car elles ne seront pas en mesure d’assurer de nouveaux des investissements aussi lourd de si tôt. Environ 10% des foyers Français resteront au cuivre pendant probablement encore plusieurs décennies…