Colt pourra-t-il faire annuler la DSP THD92 par le Tribunal Adminstratif de Versailles ?


Le tribunal administratif est un organisme qui statue sur les litiges  entre l’Etat (la puissance publique) et le s particuliers ou les entreprises privées. Les jugements d’un tribunal administratif peuvent être portés en appel auprès du Conseil d’Etat dont les jugements sont alors définitifs.  Le Tribunal Administratif de Versailles qui a compétence pour le territoire des Hauts de Seine a donné sa position ce vendredi sur un conflit qui oppose principalement le Conseil Général des Hauts de Seine avec Colt sur la DSP THD 92. L’objectif de cette DSP initiée en 2005 par Nicolas Sarkozi, alors président du Conseil Général des Hauts de Seine, est de fibrer 800000 foyers dans le département. Elle représente le plus gros projet de mise en place d’un réseau de fibre à la maison (FTTH) en France et probablement en Europe.  Le rapporteur public a donc remis sa conclusion qui recommande l’annulation de la Delégation de Service Publique « THD 92 ».

Rechercher tous les prétextes

La requête, déposée par Colt au début de 2008, a pour but selon les termes de Emmanuel Tricaud, directeur des affaires réglementaires de Colt France , cité par L’Usine Nouvelle , de dénoncer la manière dont les règles de la concurrence par les infrastructures énoncées par la commission Européenne et l’ARCEP sont mise en œuvre en France : «Nous sommes d’accord avec les règles de la concurrence dans les infrastructures, indique-t-il, à condition de se battre contre des gens qui sont financés par les marchés. À partir du moment où vous rajoutez, au cours de la vie du réseau, un changement de règle du jeu autorisant une aide publique, vous arrivez à une situation de distorsion de concurrence. Surtout s’il s’agit d’une aide publique très mal équilibrée entre zones denses et zones moins denses. Un exemple : dans les trois premières années de cette délégation de service public, il n’est pas question de couvrir les zones non denses mais la moitié de la subvention doit malgré tout être versée ».

Instruction en cours

La procédure d’instruction d’une requête soumise aàun tribunal administratif consiste à demander à un rapporteur public d’émettre ses conclusions  sur le dossier après avoir entendu toutes les parties en présence et étudié leurs requêtes. Ces conclusions sont en fait une proposition de solution telle qu’elle parait le plus appropriée au rapporteur, mais ces conclusions pourront être adoptées ou non  par le juge dans sa décision finale.

Dans sa conclusion, indiquant que la solution qu’il choisit est l’annulation de la DSP, le rapporteur n’est pas allé au fond (ce que souhaitait implicitement Colt). Il s’est arrêté sur un élément du contrat, un point de forme important dans la DSP, à savoir qu’en cas d’annulation de la DSP, le Conseil Général des Haut de Seine aurait à verser une indemnité de 70 millions d’euros à Sequalum (un consortium constitué de l’opérateur Numéricable (80% du capital), du groupe du Groupe Eiffage  (15%) et de LD Collectivités / SFR (5%)) soit 11 millions de plus que la subvention accordée par le CG pour la réalisation de l’ensemble du projet. Le versement d’une indemnité de rupture de contrat plus importante que le montant des sommes impliquées dans le contrat lui-même semble plutôt inhabituelle.  A noter cependant que la DSP a été faite sur une estimation de coût total de 450 millions d’Euros environ dont une subvention du CG de 59 millions d’euros, pour assurer la couverture dans les zones peu denses, la différence étant supportée par Sequalum.

Tir groupé…

A noter que le rapporteur public instruisait en même temps plusieurs requêtes autour de cette DSP dont une requête de France Télécom et des requêtes portées par Patrice Leclerc élu communiste (Gennevilliers) au Conseil Général et d’autres parties privés.  A noter aussi que sur le fond qui concerne le respect des lois de la concurrence que conteste Colt, la Commission Européenne s’est prononcée en octobre 2009 pour valider l’attribution de la subvention de 59 millions d’Euros à Sequalum, pour assurer la péréquation entre les zones denses et les zones moins dense à l’intérieur du département.

Le juge du tribunal adminstratif de Versailles, dans sa décision finale qui interviendra dans un mois au plus tard, pourrait donc prendre en compte les conclusions  du rapporteur sans se ranger à sa solution d’annulation de la DSP en demandant  au CG de passer un avenant à la DSP pour modifier cette disposition particulière…

La concurrence par les infrastructures en question

Cette décision vient donc alimenter un débat qui semble agiter les sphères du très haut débit depuis pas mal de temps, à savoir l’impact et l’adaptation de la règle de la concurrence par les infrastructures au développement du très haut débit alors qu’elle avait plutôt bien fonctionné dans le cas du haut débit depuis 2004. Le sujet était largement évoqué voici quelques jours dans une conférence qui s’est tenue à Paris.

Choisir pour cible la DSP THD 92 est hautement emblématique dans la mesure où elle représente une vitrine du très haut débit en France, qu’elle a été validée par la Commission Européenne et qu’elle concerne le territoire du Président de la République. Depuis quelques années maintenant, la France a reconnu l’importance de la mise en place de réseaux d’infrastructures de fibre pour desservir les foyers (FTTH). Mais un certain nombre de contraintes et de règlementations émises par le régulateur semble avoir stoppé le processus en laissant l’initiative aux opérateurs dans les zones denses et en n’intervenant pas (faute de moyens) dans les zones moins denses.

Le THD n’intéresse plus personne

Il en résulte que le très haut débit en France dans les zones denses  devient le champ clos de batailles entre les opérateurs  (France Télécom, Bouygues, Numéricable, SFR, Free-Iliad, Colt et quelques autres) cherchant à contrôler les infrastructures et à empêcher la mise en place d’infrastructures mutualisées par les collectivités. Le paysage actuel pousse les opérateurs à sur-investir dans les zones denses comme le THD 92 plutôt que d’utiliser les infrastructures mutualisées et à laisser France Télécom occuper les territoires les moins denses (avec les dérives que l’on connait avec les monopôles locaux), quitte à s’insérer localement dans des niches suffisamment intéressantes que l’opérateur historique ne couvre pas pour créer leurs propres petits monopôles locaux ou sectoriels.

Le problème ne passionne ni les Français qui se disent assez satisfaits de leur haut débit (sauf dans les zones peu denses) et ne voient pas l’intérêt de plus de débit (sauf pour la télévision HD ou 3D….), ni le gouvernement qui a éparpillé les responsabilités pour le très haut débit a plusieurs ministères où chacun joue son propre terrain sans se coordonner avec les autres, ni les élus dans la mesure où en général  ils n’y comprennent rien et ne s’intéressent qu’à l’avenir à court terme de leur territoire, ni l’ARCEP qui semble penser que les décisions prises étaient nécessaires et sont aujourd’hui suffisantes.

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4 commentaires sur “Colt pourra-t-il faire annuler la DSP THD92 par le Tribunal Adminstratif de Versailles ?”


  1. @Alain B. : la photo du Parvis de la Défense est plutôt malvenue ici. En effet, s’il est bien une zone sur laquelle la DSP92 n’intervient pas, c’est la Défense! Seuls les « trous » non couverts par l’EPAD seront adressés, d’ici quelques années, par Sequalum.
    Cette image http://media.notrefamille.com/cartes-postales-photos/cartes-postales-photos-Parc-de-Marnes-MARNES-LA-COQUETTE-92430-92-92047009-maxi.jpg serait plus appropriée…

    • Alain Baritault Says:

      Merci de la précision…. Effectivement, la Défense est probablement déjà truffée de fibre de multiples opérateurs plus intéressés de desservir des entreprises à fort potentiel de revenus que d’aller dans les zones rurales comme sur cette photo de Marne la Coquette.


  2. J’apporte un complément à mon premier commentaire, afin d’éviter toute confusion : la DSP92 a bien pour objet de couvrir l’ensemble du département, résidentiels et entreprises. Ce territoire englobe donc naturellement la Défense. Cependant, cette zone n’est pas prioritaire pour Sequalum, puisque déjà couverte par l’EPAD.
    Il s’agit ici d’utiliser rationnellement la subvention publique (rappel : 59M€ sur un total de 420M€, soit 1€ public pour 5€ privé investis), en couvrant en priorité les zones, résidentielles et d’entreprises, pas desservies en THD. D’où la photo de Marne la Coquette plutôt que du Parvis de la Défense…
    Je rappelle enfin que, pour certaines communes ou organisations publiques, le réseau d’initiative publique est une opportunité pour la mise en oeuvre de nouveaux services )pour les citoyens.

  3. VCS Says:

    Petites précisions:
    – le Tribunal Administratif (TA) est compétent pour gérer des litiges entres personnes publiques et personnes privées (expl: Etat c./ entreprises), mais aussi entre personnes publiques et personnes publiques (expl: département c./ région; commune c./ établissement public) voire même entre personnes privées…
    – l’appel de droit commun des décisions d’un TA se fait devant une Cour Administrative d’Appel (CAA).
    – le Conseil d’Etat (CE) est juge de cassation, pas juge d’appel (sauf exeptions).
    – un jugement d’appel n’est pas (sauf exeptions) définitif.

    (et Sarkosi s’écrit Sarkosy ^^ )


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