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REGULATION : LES 5 OPERATEURS PROPOSENT

9 mai 2011

Le colloque de l’ARCEP se tenait la semaine dernière à Paris sur le thème Croissance, Innovation, Régulation. Les patrons des 5 opérateurs étaient présents et y ont exposé leurs vues sur la situation. Ils ont tous fait des constatations sur la régulation et formulé quelques recommendations sur la manière dont le marché devrait évoluer. J’ai repris l’essentiel de ces recommendations pour les mettre bout à bout. Le patchwork est intéressant…

Propositions de Stéphane Richard, PDG de France Télécom

1.  Construire un nouveau modèle de l’Internet. La croissance   exponentielle des données transportées sur nos réseaux, effet combiné de l’accroissement du nombre d’équipements connectés et de l’usage par équipement, conduit le  modèle économique de l’Internet, historiquement fondé sur la gratuité d’échanges de trafic symétriques, dans une impasse.

  1. Garantir une stabilité des cadres régulatoires pour favoriser les investissements. Pour   soutenir   l’explosion des échanges de données, nous sommes prêts à mener d’importants programmes d’investissements de montée en débit et de développement du très haut débit fixe et mobile.
  2. Nous devons passer d’une approche exclusivement consumériste à l’élaboration d’une stratégie industrielle pour l’Europe. La baisse des prix résultant de la régulation mise en œuvre depuis plusieurs années a permis une formidable démocratisation du mobile et de l’Internet haut débit.
  3. Militer pour les valeurs d’ouverture et d’interopérabilité. Nous devons nous assurer que le monde   numérique en construction est un monde ouvert, un monde où les utilisateurs et les fournisseurs de contenus européens ne sont pas captifs d’écosystèmes qui limitent leur liberté de choix et augmentent les coûts pour l’ensemble de l’écosystème.
  4. Renforcer les questions de sécurité (autour de la carte Sim et des paiements sans contact NFC)

Propositions de Jean Bernard Levy Président de Vivendi (SFR)

  1.   Le mobile : favoriser la concurrence par les infrastructures

Le marché de la téléphonie mobile a pratiquement toujours été concurrentiel.

A  titre  d’exemple, le régulateur semble aujourd’hui vouloir imposer des obligations de mutualisation. Or ces mutualisations forcées ne sont pas pertinentes car elles empêcheront les opérateurs de se différencier techniquement, ce qui sapera leurs efforts en matière d’innovation. C’est le nivellement par le bas. La régulation a coûté à SFR cinq points de croissance l’année dernière…

2.   Le fixe : favoriser la mutualisation des infrastructures

A l’inverse, dans le fixe, nous vivons toujours sous le règne de l’opérateur historique. Aujourd’hui, les opérateurs alternatifs payent à l’opérateur historique dans le cadre de l’accès au réseau en cuivre : D’une   part,   la   maintenance, Et  d’autre part le renouvellement tu réseau de cuivre (1 milliards par an pour ce dernier point)

Pour   illustrer   l’absurdité   de   cette   concurrence par les infrastructures pour la fibre, je vous invite à imaginer un réseau ferré avec des voies différentes pour chaque société de transport. Pour cela, Vivendi et SFR proposent la mise en place d’une infrastructure commune avec France Télécom, ouverte à tous les opérateurs et organismes financiers qui souhaitent investir dans le réseau de demain…Sinon il faut aller vers la séparation fonctionnelle de France Télécom….

3.   les opérateurs télécoms sont les atouts principaux de l’Europe (pour ne pas dire les seuls qu’il nous reste).

Dans   nos   zones   économiques   qui   manquent   de   croissance,   il   est   essentiel d’opérer un réexamen profond des relations entre les acteurs de l’économie numérique afin   de   favoriser   la   croissance   des   acteurs   économiques   locaux,  sauf à faire de l’Europe le futur tiers monde du numérique.

Propositions de Xavier Niel PDG de Iliad-Free

Le succès de la régulation sur le marché fixe en France avec le dégroupage a été premis grâce a des décisions courageuses du régulateur. Cela a permis de faire naitre une véritable concurrence et des innovations techniques et marketing comme le triple play, la voix illimité, la TV sur réseaux de cuivre, l’ADSL2+ et d’autres.

L’immobilisme et les rentes de situation sont les conséquences naturelles des monopoles.

La concurrence a entrainé la baisse des prix. Depuis 2001, 20 milliards d’Euros ont été retournés aux consommateurs grâce à la baisse des prix des télécommunications.

Free investi à hauteur de  40% de son chiffre d’affaire par an dans les réseaux. Les opérateurs historiques sont autour de 10%.

Il faut poursuivre le mouvement régulateur car il y a un fort lobbying des opérateurs historiques sur le fixe et le mobile pour une vacance de régulation.

  •    Sur le fixe, le prix du dégroupage depuis 3 ans n’a pas baisse. On estime que 1 milliard d’euros sont restés dans les mains de France télécom qui aurait pu les utiliser pour mieux répondre aux besoins des consommateurs
  •   La mutualisation des réseaux en zones moins denses ne fonctionne pas. On a donc besoin de l’ARCEP.
  •   La concurrence par les infrastructures provoque un gâchis d’environ 500 millions d’Euros par an. A Paris il y a 4 réseaux côte a côte, et rien dans les zones moins denses.

Dans le mobile, il semble que le gouvernement, dirigé par des objectifs financiers à court terme organise la préemption du dividende numérique pour 1 ou 2 opérateurs. Si les options de rentabilité a court terme devaient se confirmer, la France serait le seul pays Européen où l’attribution est pilotée par une vision a court terme et non pas par une vision industrielle.

Dans un marché où le quadruple play se développe, des restrictions sur le mobile peuvent avoir des effets sur le fixe.

En conclusion, notre choix est celui de la concurrence au niveau des réseaux fixes et des réseaux mobiles au bénéfice des consommateurs.

Propositions de Martin Bouygues PDG de Bouygues Télécom

Les quelques exemples tirés de l’histoire de Bouygues Telecom montrent qu’à plusieurs reprises, ceux qui ont eu à définir l’environnement réglementaire de notre métier, se sont trompés, parfois lourdement, créant des situations inéquitables ou injustes.

Plus grave, certaines décisions réglementaires peuvent même être de nature à menacer l’existence d’un groupe ou d’une entreprise. Cela     étant,  je  voudrais     ajouter   –  ce   qui   va   peut-être   surprendre   une   partie   de l’assistance – que je suis favorable à un régulateur puissant mais intelligent et que je suis favorable à un régulateur ferme mais équitable. Ce sont en effet à mon avis, les conditions indispensables à une activité économique soutenue, concurrentielle, créatrice de valeur et orientée vers la satisfaction des clients.

  1. Je l’ai dit, je préfère de loin un régulateur puissant, capable d’organiser réellement le marché et de stimuler efficacement la concurrence, à un Etat qui réglemente souvent dans la précipitation et parfois dans une grande improvisation. Pas de taxes imaginées seulement pour compenser les effets de telle ou telle politique visant un secteur tout à fait étranger aux télécoms. Nous   avons   ainsi   besoin   d’un   régulateur  puissant   qui   ait   le   courage   de   casser   les monopoles,   anciens   ou   nouveaux,  qui   ait   le  courage   d’imposer   la   suppression  des rentes, ennemis mortels de l’économie de marché.
  2. La deuxième raison pour laquelle je suis convaincu de la nécessité d’un régulateur fort est plus pratique. Elle tient à la technicité des sujets que nous avons à traiter. Nous avons besoin d’un régulateur capable d’évaluer et de comprendre les contraintes qui pèsent sur les industriels. Nous avons aussi besoin d’un régulateur capable de s’en faire l’interprète auprès du gouvernement et du parlement, surtout quand ces derniers ne voient que des logiques budgétaires de court terme, dictées par des considérations totalement étrangères à l’intérêt des entreprises et sans aucune considération pour l’avenir industriel du pays. Pour les fréquences 4G, Dire qu’il doit y avoir des enchères parce que la ressource est rare, cela n’a   pas de sens. Pour la petite histoire, je rappellerais qu’on m’a obligé à restituer des fréquences que j’avais payées, et dont Bouygues Telecom avait besoin, pour les mettre à la disposition du nouvel entrant. Vous comprendrez, dans ces conditions, que je sois très sensible à la différence entre égalité et équité. Pour   revenir   aux   licences   4G,   il   faut   absolument éviter que cela se fasse dans des conditions qui condamnent les opérateurs les moins riches et entravent par conséquent le libre exercice de la concurrence.
  3. Je milite pour un régulateur puissant car avec un régulateur puissant, on peut parler franchement, on peut confronter ses points de vue et assumer parfaitement des désaccords. Pour que  les choses soient claires, je vais en évoquer un. Je suis très préoccupé de ce qui est en train de se décider concernant la fibre. On peut s’interroger sur la pertinence de construire plusieurs réseaux de fibre optique parallèles, alors qu’une seule et même fibre ne peut être saturée. L’Etat a posé le principe de la concurrence par les infrastructures, quels que soient les réseaux. L’application de ce principe sur les réseaux fibres conduit en fait à instaurer une concurrence par l’investissement et les cash flow des opérateurs. Ce choix, qui n’est pas celui d’autres pays européens, aura probablement trois conséquences :

 Première conséquence : il va privilégier la concurrence par les infrastructures au détriment de la concurrence par les services. Nous le voyons déjà : plusieurs réseaux d’initiatives publics ne trouvent   pas de fournisseurs d’accès internet (FAI) qui acceptent de proposer leurs services car les   trois  opérateurs fixes concentrent leurs investissements sur leur propre déploiement dans les zones très denses ;

 Deuxième conséquence : cette concurrence par les infrastructures se fera au détriment de l’aménagement du territoire.

 Enfin, troisième conséquence, cette concurrence par les infrastructures aura probablement pour effet, à terme, de réduire la diversité et la richesse concurrentielle des  opérateurs  européens  au  bénéfice de quelques gros acteurs.  La  réduction de cette diversité se fera bien évidemment au détriment du choix proposé aux consommateurs.

En conclusion, je dirai simplement ceci. Le régulateur n’a ni plus ni moins qu’un droit de vie ou de mort sur les opérateurs. Une seule de ses décisions peut remettre en cause le modèle économique sur lequel repose le secteur tout entier. Une seule de ses décisions peut réduire à rien ou quasi rien  la  rentabilité d’une entreprise. Une seule de ses décisions peut détruire son avenir. Tout cela donne des devoirs : le régulateur a l’obligation absolue de comprendre son marché, de mesurer les contraintes industrielles et financières qui pèsent sur les entreprises, de savoir que si la protection  des consommateurs doit être assurée, la profitabilité des opérateurs doit de son côté être sauvegardée.

Parce que je crois, et je le redis, à la nécessité d’une régulation forte, j’ai le droit me semble-t-il, d’exiger du régulateur qu’il n’hésite pas à remettre en cause les situations acquises   ou   les monopoles et qu’il traite équitablement les nouveaux entrants et les autres.

Propositions de Pierre Danon Chairman de Numéricable

Le trafic est tiré par l’usage de la vidéo et de la télévision connectée, mais pour l’utilisateur, avec les infrastructure en place, l’expérience restera plutôt médiocre avec 5 mbps. Pour les PME, 150 Mbps sont insuffisants, c’est un minimum pour être compétitif.

Du point de vue des infrastructures, la France et l’Europe sont spectaculairement en retard. Il manque 300 milliards d’euros d’investissements pour les infrastructures en Europe.

En France, je vois des évolutions positives, il y a une demande pour le très haut débit.

Les clients sont un peu prêts à payer un peu plus cher pour le THD. Ils ne sont pas prêt à payer 50€ ou 60€ pour du THD. La demande est là mais pas à ce prix. Mais si par compte le premium pour le THD est raisonnable, on voit des effets massifs du démarrage de l’appétence. Notre prémium est fixé à 42.90€ on a vu 70% de notre clientèle se déporter sur cette offre.

La concurrence est le moteur de l’innovation et le moteur du progrès. Toute décision qui réduit la concurrence est extrêmement dangereuse. Notre innovation, c’est le THD. Les cablo-opérateurs en Europe ont été très innovants, ils ont investi dans le DOCSIS 3.0 et ce sont eux qui ont poussé les opérateurs historiques vers le FTTH.

La concurrence par les infrastructure a eu lieu dans les 8 dernières années, il faut la préserver. Numéricable c’est 8 millions de logements FTTx ( ndlr : fibre et câble pour le dernier kilomètre) et c’est 4 millions de logements sous DOCSIS 3.0 (à 100 mbps).

La contribution du câble aux objectifs du gouvernement est tout à fait considérable.

Il y a 3 challenges, qui sont en fait 3 fractures numériques dans lesquelles il ne faut pas tomber

  • Une fracture sociale. Il faut faire attention que dans le pays il n’y ait pas de gens qui aient 100 mbps et d’autres qui ne peuvent pas accéder à Internet. Il faut un accès pour tous à internet haut débit (Numericable a l’offre Sun à 4 euros pour 2 mbps)
  • Une fracture géographique. Elle est terrifiante. Avec les 3400 commune qui représentent 60% de la population, c’est pas mal mais on ne sait pas ce qui va être fait ni quand ça sera fait. On risque la désertification des zones moins denses qui, souvent, ont déjà des difficultés.
  • Une fracture économique. Les grandes entreprises sont presque toutes équipées de fibre. Mais les PME ont des difficultés, le prix de la fibre pour elle est encore trop élevé. Dans beaucoup de mairie, le maire n’a pas encore le reflexe fibre..

Pour ce qui concerne la régulation, je rejoints l’idée que la concurrence par les infrastructures est absolument fondamentale. L’Europe a beaucoup péché par une focalisation excessive sur la concurrence par les services avec une approche consumériste qui à fait beaucoup à baisser les prix(il n’y a pas que du négatif tout de même avec les 29.90 en France…). Mais le résultat est que l’Europe est en retard par rapport aux Etats Unis et l’Asie sur le plan des infrastructures.

S’agissant de la concurrence par les infrastructures, notre problème est que le câble est une deuxième pensée, y compris dans certaines décisions de régulation. Nous somme prêts à investir, mais il faut respecter la problématique câble…

Les operateurs d’infrastructure comme Numéricable et France Télécom sont des opérateurs de long terme. Il faut donc respecter les investissements qui existent. L’idée de baisse coute que coute du prix du dégroupage n’est pas forcément une très bonne idée.

Je me réjouis de la montée en débit. Il n’est que temps de l’organiser en France. Il faut sortir du diktat du FTTH qu’on a en France. C’est très pénalisant de dire « FTTH ou rien ». Le FTTH n’est pas le seul moyen d’apporter le THD en France à la population, c’est le moyen final, mais ne pas considerer les étapes intermédiaires est criminel… Nous avons le HFC (Hybrid Fibre Coax) qui est la montée en débit pour le câble.

L’organisation de la mutualisation est importante car l’essentiel du coût est dans le génie civil et sa réutilisation est très positive. Il faut que l’ARCEP nous aide à définir des normes plus fines pour qu’on arrive à mutualiser entre opérateurs. Dans les schémas départementaux, le câble est défavorisé pare qu’on n’a pas de réseaux départementaux. On est bien plus à l’aise dans les agglomérations.

Il faudrait enfin que les pouvoirs publics facilitent l’utilisation du THD au niveau des citoyens. Par exemple en poussant  l’utilisation de la vidéo, dans les écoles, dans la télémedecine, dans la dépendance et le maintien des personnes agées à la maison etc…

Quelle image de la fibre chez les opérateurs?

17 mars 2010

Par Marc Duchesne

Comme chacun sait, du moins dans les milieux autorisés, comme disait Coluche, l’ARCEP a récemment publié les offres de référence des opérateurs commerciaux pour le raccordement des abonnés à la fibre optique.

Un petit dessin vaut mieux qu’un long discours, dit le vieux dicton. C’est pourquoi je me suis amusé à passer les offres de de référence de France Telecom, SFR, Free, et Numericable à la moulinette du Web 2 – grâce à Wordle, fantastique outil qui affiche sous forme graphique les occurrences des mots d’un texte.

Pour garantir la justesse du calcul par le moteur de Wordle, j’ai supprimé les bas de page pour conserver uniquement le nom de l’opérateur dans le corps du texte, j’ai remplacé « France Telecom » par « FranceTelecom » et « Free Infrastructure » par « FreeInfrastructure » pour être sûr que le comptage concerne le nom de l’opérateur (pour bien discriminer les mots éventuels « télécom » et « infrastructure »).

Voici les résultats, à regarder du point de vue de l’utilisateur – c’est à dire du ou des co/propriétaires de l’immeuble…

Offre de référence fibre de Orange-France Telecom:Wordle: FT2

Offre de référence fibre de SFR:
Wordle: SFR2

Offre de référence fibre de Numéricable:
Wordle: NC2

Offre de référence fibre de Free:
Wordle: Free

FTTH Council Europe à Lisbonne : La fibre attend toujours un plan européen

2 mars 2010

Hartwig Tauber, Directeur Général du FTTH Council Europe

Dans moins d’un mois, la FCC américaine dévoilera son plan haut débit.  Julius Genachowski, le chairman de la FCC américaine a entamé, depuis sa nomination au milieu de l’année dernière, un intense travail de consultation de l’industrie, des collectivités locales, des élus et des particuliers concernés par la mise en place d’infrastructures de nouvelle génération pour le haut débit aux Etats-Unis. Le Président et le Congrès Américain lui ont demandé de présenter, d’ici le milieu du mois de mars, un plan national pour le très haut débit.

Voici quelques jours, sur le blog de la FCC, il constatait qu’aujourd’hui  14 millions de foyers américains n’ont pas accès au haut débit (512 ko selon les normes de la FCC) et que 100 millions de foyers qui devraient et pourraient avoir le haut débit ne l’ont pas, dans ce pays qui a inventé l’Internet.  Il précisait  les grandes lignes de son plan qui sont d’apporter le 100 mbps à 100 Millions de foyers aux Etats-Unis, de créer des pilotes pour le très haut débit et de faire passer le taux d’adoption du haut débit de 65 à 90%. Aux dernières estimations, c’est près de 50 milliards de dollars que le gouvernement américain a attribué ou attribuera pour faciliter, d’une manière ou d’une autre, la mise en place et l’utilisation du très haut débit sur son territoire. Les Etats-Unis seront-ils en mesure de rattraper le retard qu’ils ont accumulé depuis 2002? C’est un enjeu clair de Barak Obama.

La Lithuanie, premier européen pour la fibre

Lors du FTTH Council Europe qui s’est déroulé à Lisbonne la semaine dernière, le paysage du haut débit sur le vieux continent semblait apparament plus brillant qu’aux Etats Unis, mais des questions immédiatement se posent si l’on parle de l’étape suivante du très haut débit et de la fibre à la maison. Il semble qu’appuyé sur une avance certaine dans l’adoption du haut débit, l’essentiel de l’industrie européenne des télécommunications ne voit pas un intérêt primordial d’investir lourdement dans la fibre à la maison et préfère rester assise sur des rentes de situation plutôt confortables.

Hartwig Tauber, Directeur Général du FTTH Council , s’appuyant sur des chiffres divulgués par l’iDate, notait que l’Europe pour ce qui est du nombre de foyers fibrés traine de façon préoccupante au troisième rang avec seulement 2.5 millions de foyers passés (3.5 millions avec la Russie) contre 7.6 millions aux Etats-Unis et 36 millions en Asie. Il notait que l’on pouvait considérer dès aujourd’hui le Japon comme un pays fibré. « L’Europe avance en ordre dispersé, dit-il, et les pays de l’Europe de l’Est et du Nord semblent les plus dynamiques. Ainsi la Lithuanie présente le taux de pénétration le plus élevé avec 18% des foyers abonnés à la fibre, devant la Suède, la Norvège, le Slovénie, l’Estonie, le Danemark, le Slovaquie et la Finlande. »

Le responsable du FTTH Council se félicitait que la France, le Portugal , la République Tchèque et la Bulgarie soient récemment entrées dans le tableau de classement dont la limite basse est de présenter un taux de pénétration de 1% au minimum…!! L’Allemagne et l’Angleterre n’y figurent toujours pas. “Il apparait que les opérateurs historiques des pays de l’Europe de l’Ouest restent très lents à déployer » ajoutait-il.

Le classement des pays Européen, taux de pénétration

Foyer passé, foyer connecté, FTTB, FTTH etc…

Si Hartwig Tauber présentait un paysage plutôt mitigé de la manière dont l’Europe avance vers la fibre, il indiquait aussi que les statistiques présentées par les organismes gouvernementaux, les régulateurs, les sociétés d’analyses et le FTTH Council pouvaient varier sachant que chacun n’utilise pas les mêmes définitions.  Les notions de « foyer passé » et de « foyer connecté » sont souvent utilisées indifféremment alors qu’elles se réfèrent à des choses différentes, la première étant considérée comme « ayant accès possible à la fibre » alors que la deuxième est « abonné à  un accès fibre ».

Souvent aussi, il est mentionné FTTH (fibre jusqu’à la maison), alors que la réalité est seulement du FTTB (fibre jusqu’au building). Il apparait que dans la deuxième situation, les foyers ont un accès « virtuel » à la fibre car il est nécessaire de réaliser le câblage vertical en fibre pour desservir tous les appartements d’un immeuble ? On ne sait pas en général à quelle distance du building s’arrête la fibre.  Certains comme Numéricable en France indiquent « avoir passé » plusieurs millions de foyers, mais il s’agit en fait de FTTB jusqu’à un concentrateur qui dessert un certain nombre d’immeubles en réutilisant ensuite le vieux câble coax qui va dans les appartements, et la bande passante est partagée entre tous les abonnés reliés à ce concentrateur. Il s’agit en fait en fait d’une sorte de v-DSL à la mode câblo. On ne peut pas vraiment parler de très haut débit.

Régulation européenne à venir sur les NGN

La régulation européenne ne s’est encore pas prononcé sur les  conditions de régulation de la mise en œuvre des réseaux NGN (Nouvelle Génération Networks) et Hartwig Tauber note que seulement quelques pays européens dont la France, la Hollande et le Portugal ont décidé de ne pas attendre et de créer leur propre cadre de régulation pour accélérer la mise en œuvre des réseaux fibrés.  Cette situation d’attende d’une régulation Européenne explique, en partie,  les très faible taux de pénétration de la fibre en Europe, malgré les investissements réalisés ou en cours.

En effet, dans beaucoup d’endroits,  les utilisateurs se rendent compte rapidement que même si la fibre est disponible près de chez eux, les conditions dans lequel leur est offert l’accès fibre ne leurs conviennent pas et ils préfèrent rester sur du bon vieux DSL dégroupé dont les tarifs sont compétitifs. Bien que connaissant les grandes lignes de la politique Européenne vis-à-vis des NGN (Neutralité, Mutualisation et Concurrence) les opérateurs de leur côté ne veulent pas  se lancer dans des directions dont ils prétendent qu’elles pourraient être remises en cause lorsque la Commission Européenne se sera prononcée, probablement d’ici le milieu de l’année 2010.

En France, une boucle locale fibre gratuite et ouverte

En France, comme le note Hartwig Tauber, il a fallu 3 ans de difficiles négociations sous l’égide de l’ARCEP pour arriver à faire sortir le très haut débit d’une impasse. L’enjeu était d’assurer le fibrage vertical des immeubles de façon à ce que la fibre installée verticalement soit neutre, partagée par tous les opérateurs, sans discrimination technique ou commerciale pour qu’un utilisateur puisse changer de fournisseur d’accès fibre comme il le souhaite.

L’ARCEP est allé en deça des recommandations actuelles de la Commission Européenne et a crée un précédent hautement regardé dans toute la communauté et dans le monde dans la mesure où il assure la mise en place d’une boucle locale fibre, gratuite et ouverte.   Les dispositions sont clairement expliquées dans le « guide de la fibre dans les immeubles » que tout propriétaire d’appartement se doit de lire. La situation à Paris jusqu’à une date récente est exactement celle du FTTB, dans la mesure où tous les opérateurs ont tiré de la fibre dans tous les égouts et arrivent pratiquement au pied de chaque immeuble parisien.

La décision de l’ARCEP semble avoir débloqué la situation puisque France Télécom a récemment indiqué vouloir investir 2 milliards de dollars dans la fibre dans les 5 ans à venir.  Il n’a aujourd’hui qu’une trentaine de milliers d’abonnés à la fibre, tous issus de pilotes réalisés pendant 3 ans. Paris pourrait être la capitale du monde la plus fibrée dans de très bref délais dans la mesure où les 4 opérateurs France Télécom, SFR, Free et Numéricâble ont récemment publiés leur offre de référence pour la fibre dans les immeubles. Nous y reviendrons.

A noter que le prix de l’abonnement fibre pour un particulier sera de €29.90 chez les 3 opérateurs alternatifs, l’opérateur historique qui bénéficie d’infrastructures payées par le contribuable (du temps ou il était opérateur unique) et en partie amorties étant 45% plus cher à €44.90.

Orange France et SFR mis en demeure de respecter leurs engagements de couverture 3G

23 décembre 2009

Orange France-Télécom a l’art et la manière de tourner ses imperfections et ses manquements en victoires triomphales. C’est ce que j’appelle l’art du marketing et de la communication presse…. D’autres appelleraient ça de l’intox ou de la manipulation…  En effet ce matin, dans ma boite aux lettres se trouvait deux communiqués de Orange France-Télécom. Le premier titrait : « l’Arcep confirme qu’Orange offre la meilleure couverture mobile 3G/3G+ en France métropolitaine » et l’autre titrait : « Orange, 1er réseau mobile 3G/3G+ selon l’Arcep ».  Immédiatement je vais sur le site de l’ARCEP pour découvrir le document à l’origine de ce cocorico mobile et je trouve le communiqué suivant : « 98% de la population aura accès à la téléphonie mobile 3G en 2011. Orange France et SFR sont mis en demeure de respecter leurs engagements. »

Tiens, tiens, il y aurait comme une petite différence dans la manière d’interpréter les chiffres et de voir les choses… Décidément, la communication officielle des opérateurs est à prendre avec beaucoup de précautions. C’est ainsi qu’aux Etats-Unis, après des centaines de communiqués lénifiants de l’opérateur AT&T disant que tout va bien, qu’AT&T est le plus grand et le plus beau des opérateurs outre atlantique, ce dernier se trouve aujourd’hui obligé d’implorer ses utilisateurs mobiles (voire de les obliger) de ne pas trop consommer de données mobiles parce que son réseau, vétuste et croulant, ne peu pas supporter l’augmentation de trafic liée à l’iPhone.

Entrons un peu plus dans le détail des chiffres fournis par l’ARCEP

Une première remarque doit être faire est que l’ARCEP, pour les taux de couvertures annoncés, s’appuie sur les données fournies par les opérateurs…. On pourra honnêtement se poser la question de la précision de ces données compte tenu de l’approximation des mesures et des informations fournies par les opérateurs dans les autres secteurs comme la couverture DSL par exemple… L’ARCEP précise qu’à ce sujet elle devrait effectuer des contrôles plus pointus l’année prochaine…! On peut lire ensuite dans le rapport de l’ARCEP : «  La dernière échéance d’obligation de couverture de SFR et Orange France prévue dans leur arrêté d’autorisation, qui est intervenue le 21 août 2009, prévoyait une couverture de respectivement 99,3% et 98% de la population, soit un niveau comparable à celui de la 2G. »

Qu’en est il en réalité ? Le communiqué flamboyant de Orange France-Télécom le confirme. Orange France-Télécom est donc le premier en retard sur ses obligations…  Il nous offre même le tableau récapitulatif ci-dessous.

On est encore assez loin des obligations initiales. Bouygues Télécom n’est pas soumis à l’obligation du 21 aout 2009 et sa couverture de 80% de la population est équivalente à celle de SFR qui a obtenu sa licence 3G plus tôt que lui. Il serait déjà en deça de son obligation de couvertures à la fin 2010 qui fait état d’un taux de 75% de la population.

A propos de Bouygues, l’ARCEP remarque que sa couverture territoriale est sensiblement différente de celle de ses deux concurrents. « Comparativement, l’opérateur (Bouygues Télécom) dessert notamment assez largement la périphérie des agglomérations et dans une moindre mesure le cœur de celles-ci. Il en résulte que Bouygues Telecom couvre aujourd’hui des zones en moyenne moins denses que ses deux concurrents, et notamment que la couverture 3G de Bouygues Telecom représente une couverture moindre de la population que celle de SFR, alors que plus étendue en surface. » L’ARCEP mentionne que Bouygues a rencontré des difficultés croissantes d’implantation de ses sites dans les villes.

Améliorations dans les données mobiles

L’ARCEP précise avoir fait des enquêtes de vitesse de téléchargement de données sur les mobiles chez les trois opérateurs, dont voici les résultats. On constatera une nette amélioration des débits entre 2008 et 2009.

L’ARCEP conclue : « Les opérateurs mobiles sont tenus de poursuivre leurs déploiements et d’atteindre leurs obligations de couverture, dont les taux cibles figurant dans leurs licences sont de 99,3 % de la population pour SFR, de 98 % de la population pour Orange France et de 75 % de la population pour Bouygues Telecom. »

Et lorsque Orange France-Télécom, dans son communiqué nous dit : « Orange accélère le déploiement de sa couverture 3G/3G+…. Il  prévoit d’étendre sa couverture 3G/3G+ à la quasi totalité de la population en France métropolitaine d’ici 2013 soit  91% de la population couverte fin 2010 et 98% de la population couverte fin 2011. »  Il ne fait que répondre à l’injonction de l’ARCEP qui lui a été formulée le 30 novembre dernier. Pour sa part SFR a été mise en demeure de couvrir 84% de la population avant le 30 juin 2010, 88% de la population avant fin 2010, 98% de la population avant fin 2011 et 99,3% de la population d’ici la fin de l’année 2013.