La conférence Web 2.0 s’est déroulée la semaine dernière à San Francisco, sous un format réduit et dans une indifférence lourde de sens. Pourtant, le secteur des applications du Web est bien vivant, plus que jamais même, plus particulièrement lorsqu’il s’agit d’utiliser les larges possibilités et avantages que qu’apporte l’utilisation intensive d’Internet dans les activités séculaires de la collaboration et des échanges, à la maison ou dans l’entreprise. Le SDForum, une association de la Silicon Valley vieille de 25 ans organisait donc une conférence sur « les évolutions et le futur de la collaboration », une première dans la Silicon Valley lassée du Web 2.0 qui s’étiole comme la crise que chacun subit aujourd’hui alors que tout le monde cherche un renouveau.
Le thème est vaste puisqu’il couvre la manière dont Internet à permis l’explosion des activités de collaboration et d’échanges en temps réel dans l’entreprise, dans la ville, à la maison et aussi comment ces nouvelles activités s’intègrent dans les anciennes. La conférence réunissait quelques poids lourds du secteurs des logiciels et d’Internet (IBM, Microsoft, SAP, Cisco, Skype), des utilisateurs (Orange et Silicon Valley Bank), une dizaine de start’ups (Dyyno, Sharethis, Meebo, FaceTime, Scout Labs, SocialText, Box.net, Hootsuite, YouSendit, FastPencil) et des venture capitalistes pour discuter des changements chez les utilisateurs qui veulent le temps réel, les questions que cela suscite dans les entreprises mais aussi comment l’arrivée de la collaboration en temps réel bouscule les fournisseurs de logiciels soucieux d’intégrer ces nouvelles caractéristiques dans leurs offres.
Génération 4 : la collaboration en temps réel
Au cours de la présentation d’introduction, James Lundy, Analyste au Gartner Group expliquait que sa société venait juste d’ajouter une nouvelle catégorie, la Génération 4, à son schéma de l’évolution des pratiques collaboratives sur le net. Les blogues et les wiki sont déjà du passé, on est maintenant à la collaboration en temps réel et à son agrégation dans les applications. « La messagerie instantanée reste une préoccupation majeure, dit-il, et nous voyons que la situation est très confuse en ce moment dans les grandes entreprises et les organisations qui se posent la question de leur stratégie de collaboration en temps reel. La plupart ne sait pas quoi faire. C’est une intense bataille et beaucoup de responsables ne le comprennent même pas. » Il explique que moins de 40% des grandes entreprises a mis en place une stratégie de collaboration en temps réel. « Si quelqu’un dans l’entreprise utilise un service gratuit de messagerie instantanée, il s’expose…. !! ». Parlant de la Génération 3, le web social qui a suscité beaucoup de nouveaux services et de nouvelles sociétés, notamment dans la Silicon Valley, il constaté que le buzz suscite encore beaucoup d’interrogation et de confusion. « Voulez vous facebook dans l’entreprise ? » interroge-t-il, « Comment pouvons-nous apprendre à nos employés comment ne pas faire les mauvais trucs sur Facebook ? »
Un effet révolutionnaire sur tout le paysage informatique
L’objet de cette nouvelle Génération 4, poursuit-il « est de savoir comment intégrer tout cela dans ce qui existe déjà et comment faire en sorte que tout fonctionne ensemble ». Les utilisateurs savent ce qu’ils veulent, ils n ‘ont pas peur des applications et ils comprennent parfaitement comment ça marche, mais les usages sont complètement en dehors de tout contrôle. Cette intégration, selon lui, aura un impact sur les stratégies de marché dans tout le monde du logiciel, sur les contenus, sur les portails, sur l’analyse des données, « un énorme effet révolutionnaire sur l’ensemble du paysage informatique. » Le temps réel va maintenant au delà de la voix et du texte et pour lui, les prochaines innovations majeures vont arriver avec la vidéo qui sera le prochain champ de bataille des technologies, notamment pour les systèmes de gestion de contenus vidéo.
Dans la Generation 4 se trouve aussi un nouveau concept qu’il nomme « le profil social », issu de la montée des réseaux sociaux publics ou dans les entreprises. « Le « profil social » peut être capturé, indexé, catégorisé, c’est un flux d’activité ajoute-t-il, qui va générer une tonne d’application. Mais aujourd’hui, le profil social n’est pas vu comme un point stratégique. Nous pensons que l’utilisation, la fédération et l’analyse des profils sociaux vont rapidement devenir stratégique pour l’entreprise et chez les fournisseurs de logiciels ou de services. » L a génération 4 pour lui s’appuie sur trois caractéristiques principales : c’est du grand public (que l’on soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise), les gens n’ont plus peur d’utiliser la technologie et enfin on n’est plus dans un site spécifique, mais on est partout, dans le nuage et sur site en même temps. « C’est la nouvelle conquête de l’Ouest, un monde d’opportunités…»
Comprendre ce qui se passe dans les réseaux sociaux
James Lundy estime que l’un des grands challenges des prochaines années aussi bien pour les entreprises que pour les éditeurs de logiciels en place ou à venir sera d’analyser et de comprendre ce qui se passe dans les réseaux sociaux. « Pourquoi, cet employé Junior est-il le plus intense contributeur à apporter des nouvelles idées dans tel ou tel processus ou de définition de nouveau produit… ? » Les start ‘up dans les réseaux sociaux ont un terrain de jeu illimité pour stimuler l’innovation dans les entreprises. L’analyse des réseaux sociaux est un phénomène fondamental et IBM qui vient de réunir quelques milliers d’employés et de partenaires à las Vegas autour du thème Information On Demand (IOD) l’a bien compris en rachetant la société SPSS, l’un des dinosaures de l’analyse des données. James Lundy précisait que Gartner fut le premier en 2007 à évaluer le marché des fournisseurs et développeurs de « logiciels sociaux ».
Il présentait son Magic Quadrant où figurent principalement les sociétés qui ont développé des applications spécifiques, remarquant que quelques sociétés comme Microsoft ou IBM commencent à intégrer une approche « sociale » dans leurs applications.
Quel rôle pour l’Open Source ?
Au cours de la journée de présentations, les grands éditeurs de logiciels présents ont expliqué leur approche, sans apporter beaucoup de nouveautés et les start’up ont donnée leur vision de l’entreprise et de la manière dont la collaboration en temps réel bouleversait ce monde bien établi. Ils ont cependant assez soigneusement évité de mentionner le rôle que joue l’open source, plus particulièrement dans le domaine de l’intégration des caractéristiques de collaboration en temps réel dans les plateformes existantes, souvent fermées, complexes et architecturées sur des principes de l’informatique en client serveur au mieux, ou batch au pire. Quant aux business modèles, nous sommes un peu restés sur notre faim entre l’approche Google Apps versus Microsoft Exchange et IBM. L’intervenant Français de Cisco, Didier Moretti, nous a convaincu que le géant des réseaux est entré de plain pied dans l’ère du Collaboratif 2.0. Une vérité paradoxale est maintenant claire pour l’entreprise, y compris pour les plus grandes : « L’Open Source n’est pas suffisant parce qu’il est simplement gratuit… il doit montrer un retour sur investissement. » Le constat est que le marché est en train de changer en profondeur et que de nouvelles forces se mettent en place. Nous reviendrons sur ce point dans la mesure où la Silicon Valley depuis 2 ans a vu l’arrivée de plusieurs développeurs de logiciels open source Français, Linagora, Exoplatform et Talend qui semblent parfaitement se développer dans ce « Wild Wild West » d’opportunités.